Glanage de vieux films (Février/4)
La merveilleuse visite (Marcel Carné, 1974)
Ainsi donc, une nuit de la Saint-Jean, un ange blond s'échoue sur les galets d'une plage bretonne. Avec pour seul viatique sa bite et son couteau. Enfin, même pas, puisqu'il est nu et que le sexe des anges, hein ? La population locale ne va pas tarder à prendre en grippe cet éphèbe qui se promène à moitié à poil et effraie les animaux. Tiré d'un récit méconnu de H.G. Wells, dialogué par Didier Decoin, ce quasi dernier film de Carné fut fort moqué à sa sortie pour sa naïveté et pour l'interprétation consternante de l'inconnu Gilles Kohler, et qui le resta, inconnu, aussi expressif qu'un bigorneau. Ce conte, qui oppose la pureté de la créature céleste à l'incompréhension et l'hostilité d'une foule pas très sentimentale, malgré les envolées celtiques d'Alan Stivell, peut se prévaloir de quelques ilots de poésie dans un océan de niaiserie qui fait sourire. Un ange passe.
Safari diamants (Michel Drach, 1966)
La filmographie de Michel Drach comporte un certain nombre de films personnels (Elise ou la vraie vie, Les violons du bal) et d'autres qui le sont ... moins. Dans la case polar, Safari diamants se contente du minimum syndical, sans temps morts, avec tant de morts (une dizaine). Son épouse, Marie-José Nat (amoureusement filmée) et Jean-Louis Trintignant assurent l'essentiel, le petit doigt sur la couture du pantalon, pardon, sur la gâchette.
L'insurgé (The great white Hope, Martin Ritt, 1970)
Amérique 1913, le nouveau champion du monde des poids lourds est, pour la première fois, un noir ! Et du côté des blancs, la pilule ne passe pas. Mais le champion est aussi rejeté par les siens parce qu'il refuse d'être un symbole communautaire. Mauvais temps à prévoir d'autant que le boxeur a une petite amie blanche et qu'on ne plaisante pas avec ces choses là, à l'époque. Inspiré par la vie de Jack Johnson, adapté d'une pièce de théâtre, L'insurgé n'est pas un film de boxe (dix minutes de combat, tout au plus), mais un portrait à charge de l'Amérique raciste du début du XXe siècle. Martin Ritt, sans se défaire tout à fait des pesanteurs de la pièce d'origine, livre un film puissant, génialement interprété par James Earl Jones. Pas aussi bon que Traître sur commande, tourné la même année par le réalisateur de L'espion qui venait du froid, mais sacrément punchy. Il serait temps de redonner à Ritt toute la place qu'il mérite dans le cinéma américain des années 60/70.
Charles mort ou vif (Alain Tanner, 1969)
A la tête d'une petite entreprise d'horlogerie génevoise, fondée par son grand-père cent ans plus tôt, Charles végète. Il coupe les ponts et s'installe à la campagne chez un couple qui mène une vie bohème ... Ce premier long-métrage de fiction de Tanner pose les bases de son cinéma : personnages inadaptés à la société, critique du libéralisme capitaliste, photo épuré et musique dissonante. Tourné à la manière des oeuvres de la nouvelle vague, ce manifeste anarchisant, mais avec une certaine douceur et une suave ironie, est la première réussite d'un cinéma suisse que Tanner et ses compères Goretta et Soutter vont réveiller et faire connaître dans le monde entier. C'est vraiment très bien.
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