Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Ramdam à Rotterdam (8)

 

Allez, encore un petit effort pour venir à bout d'une grande partie de la programmation de Ritterdam. Le voyage passe par la Tunisie, Taïwan et le Kosovo.

 

La méduse noire (Ma tasmaa ken errih), Youssef Chebbi et Ismaïl, Tunisie.

Nada mène une double vie. Pendant la journée, elle est calme, réservée voire mutique, mais la nuit, elle fait des hommes de Tunis sa proie. Ce premier film coréalisé par Youssef Chebbi et Ismaël est un conte très noir, teinté d'horreur, avec sous-jacente une chronique sociale de la Tunisie d'après la révolution. Le film n'explique pas les motivations de son héroïne qui a un compte à régler avec la gent masculine et dont le handicap ajoute encore à son côté louve solitaire, assoiffée de sang. Car sauvage est la nuit dans ce long-métrage hyper stylisé, au noir et blanc inquiétant, au risque de faire passer la forme avant le fond. Néanmoins, avec un récit chapitré en 9 nuits, le film offre une structure visible qui permet d'accepter ses dérives poétiques, oniriques et irréalistes. Cette méduse noire doit beaucoup à son interprète principale, Nour Hajri, amoureusement filmée par les réalisateurs, au visage changeant selon les scènes, qui reste énigmatique et impassible, y compris pendant ses pires méfaits. D'Un divan à Tunis à Un fils, le cinéma tunisien ne cesse d'étonner à s'ouvrant à de nouveaux genres, tout en marquant l'inquiétude permanente d'une société dont les espoirs ont été floués et trahis.

6/10

 

Morts et beaux (Dead & Beautiful), David Verbeek, Taïwan.

5 jeunes gens riches se transforment en vampires après une soirée rituelle. Ils se querellent quant à savoir comment vivre leur nouveau statut. Une mort sûre et ça repart ? Le néerlandais David Verbeek ne réinvente pas le film de vampires avec Dead & Beautiful, il en fait le prétexte à un film qui se veut ludique, manipulateur et finalement anticapitaliste, si tant est que l'on comprenne où il veut véritablement en venir. Parce qu'après une entrée en matière plutôt brillante, le film semble rapidement à court d'idées et se contenter, ce qui n'est déjà pas si mal, de nous plonger dans la fascinante atmosphère urbaine et nocturne de Taipeh. Les choses sont bien compliquées que ne parait l'indiquer le postulat de départ mais la comparaison entre la vie morne et gâtée de ces jeunes gens fortunés et celle, excitante et précaire des vampires, ne tient pas vraiment pas la route, avec un scénario aussi faussement sophistiqué, tout en trompe l’œil. Le casting mondialisé de cet étrange club des 5, entre asiatiques et européens, frappe par son artificialité convenue, avec des personnages peu développés, hormis pour l'un d'entre eux, encore que ce soit pour nous jouer la partition du traumatisme d'enfance. Au fond, Dead & Beautiful a pour tort principal de se prendre un peu trop au sérieux et de viser l'analyse sociologique plutôt que de simplement s'amuser avec un genre cinématographique qui permet toutes les audaces.

5,5/10

 

A la recherche de Venera (Në kërkim të Venerës), Norika Sefa, Kosovo.

Venera, adolescente calme et taciturne, vit dans un petit village du Kosovo. À la maison, trois générations se côtoient dans un espace exigu, et la jeune fille n’a pratiquement aucune intimité. Cet univers saturé, le spectateur le ressent physiquement dans le premier film de Norika Sefa, qui n'est pas qu'un simple récit d'émancipation. Venera vit constamment sous surveillance, impensable qu'elle ruine la bonne réputation de la famille, y compris à l'extérieur ou rien de son emploi du temps ne doit rester ignoré des siens. Cette atmosphère étouffante, la réalisatrice la fait partager par sa mise en scène, où son héroïne sort souvent du cadre, comme si elle devait faire sa place pour exister, et dans des scènes où plusieurs conversations ou actions ont lieu en même temps. Le village, où les souvenirs de la guerre sont toujours présents, est marqué par la présence d'une usine et la rue est encombrée de garçons désœuvrés dont le regard arrogant scanne toutes les filles qui passent. Sans oublier la menace d'un mariage arrangé qui mettra fin à toute velléité d'indépendance de Venera. Toutes choses pesantes que la réalisation prend en compte mais assimile parfaitement dans une narration somme toute nuancée et qui ne cherche pas à dramatiser à outrance. Un long-métrage réussi et prenant qui donne envie de suivre sa réalisatrice, déjà à l’œuvre sur un nouveau projet.

7/10

 



06/02/2021
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