Cinéphile m'était conté ...

Rotterdam, ça continue. Avec des films néerlandais, géorgien et indien.

Mitra, Kaweh Modiri, Pays-Bas.

37 ans après la mort de sa fille en Iran, Haleh, installée aux Pays-Bas, a l'occasion de se venger de celle qui l'a dénoncée. Le scénario rappelle beaucoup certains films qu'on a pu voir ces dernières années, évoquant le guerre en ex-Yougoslavie ou les dictatures d'Amérique Latine, avec le cas de conscience qui se pose à un(e) rescapé(e) quand il/elle croit reconnaitre un tortionnaire ou un délateur, bien des années après. Partagé entre ses parties néerlandaise et iranienne, qui se répondent, la deuxième expliquant la première, Mitra reprend un schéma assez classique, mais efficace, sous forme de thriller aux forts penchants psychologiques. La question centrale est simple (si l'on veut) : se venger et faire payer est-ce un acte moralement acceptable ? Le dilemme est là et l'intelligence du film de Kaweh Modiri est d'opposer les avis et les comportements d'un frère et d'une sœur dont l'humanité n'a pas été blessée de la même manière. Il y aurait éventuellement lieu de remettre en question un certain nombre de choses dans Mitra, notamment l'âge des protagonistes, qui ne correspond pas exactement aux événements tels qu'ils nous sont présentés, à près de 40 ans de distance, mais cela ne décrédibilise en rien le fond d'une histoire qui s'appuie en grande partie sur des faits réels. L'important est ailleurs, dans les questions de pardon, de résilience et de courage qui animent, ou non, les principaux personnages d'un film digne en tout point et qui laisse largement la place au spectateur pour trouver ses propres réponses.

Note : 7/10

Au commencement (Dasatskisi), Dea Kulumbegashvili, Géorgie.

Dès son premier long-métrage, la réalisatrice géorgienne Dea Kulumbegashvili semble avoir des idées très précises de mise en scène, Au commencement privilégiant les plans fixes dans lesquels les personnages sont le plus souvent éloignés duu premier plan. Des choix forts, dans une histoire aux résonances bibliques, qui interroge la notion de péché, entre autres sujets. La qualité formelle et l'exigence artistique du film lui ont valu d'être récompensé dans tous les festivals auxquels il a participé (San Sebastian, Trieste ...). Son dispositif austère est fascinant mais il est parfois poussé un peu loin, synonyme de froideur et de distance avec son héroïne, Yana, laquelle reste tiraillée entre son devoir d'éducatrice de jeunes enfants (au sein des Témoins de Jéhovah) et ses propres aspirations de femme. Yana est doublement ostracisée de par l'hostilité locale aux croyances qu'elle représente et de par sa condition dans une société éminemment patriarcale. C'est avec la dureté et l'ascèse d'un Dreyer ou d'un Haneke que Kulumnegashvili a construit un film qui ne parlera pas à tous les publics, avec sa radicalité esthétique, son absence de B.O et sa lenteur qui prend de temps en temps des postures auteuristes. Avec Au commencement, une grande cinéaste est vraisemblablement née même si elle doit se méfier d'une tendance un peu trop marquée au symbolisme, voire à l'abstraction.

6,5/10

Cailloux (Koozhangal), P.S. Vinothraj. Inde.

La femme de Ganapathy a fui son mari alcoolique et violent. Ce dernier est bien décidé à récupérer son "bien" et fait le voyage dans le village de sa belle-famille. Le scénario du premier long-métrage de P.S. Vinothraj est assez étriqué autour d'une longue marche d'un père et de son fils, le premier ne cessant de houspiller et d'insulter le deuxième, qui a l'air d'avoir bien plus de jugeote et d'intelligence que son géniteur. Au-delà de cet antagonisme, le film montre surtout la grande sécheresse qui ne permet plus aucune culture et oblige les habitants oisifs à vivre d'expédients. Dommage que le film, du fait de sa durée (74 minutes) ne développe pas davantage son thème. Faute de moyens, sans doute.

5/10