Ramdam à Rotterdam (2)
Rotterdam suite, en Russie, en Australie et au Costa-Rica.
Chers camarades (Dorogie tovarishchi), Andreï Kontchalovski, Russie.
Andreï Kontchalovski (adoptez l'orthographe que vous voudrez), 87 ans, toutes ses dents, et un talent intact. Après le somptueux Michel-Ange, le cinéaste russe a enchaîné avec Chers camarades !, qui revient (une vraie découverte pour beaucoup) sur un événement sanglant de l'histoire de l'URSS, datant de 1962, mis sous le boisseau jusqu'en 1992 et pour lequel personne n'a été jugé. Noir et blanc impeccable pour ce film on ne peut plus éclairant qui introduit un personnage de fiction, une officielle soviétique bon teint, pour mieux appréhender les tenants et aboutissants d'une répression menée après une grève et une manifestation d'ouvriers. Kontchalovski est à son affaire pour nous mettre dans l'ambiance de la période (Khrouchtchev est au pouvoir et certains regrettent Staline), y compris les antagonismes entre l'armée et le KGB. Le film est un poil moins convaincant dans le récit intime d'une femme dont la foi communiste est ébranlée par sa réalité coercitive et déçoit franchement dans sa conclusion aussi brutale que plate. Mais peu importe, la reconstitution est épatante et Kontchalovski fait preuve de brio dans les scènes d'action autant que dans les réunions où s'expriment propagande, servilité et convictions. Le cinéaste, qui a réalisé en 1966 l'excellent Le bonheur d'Assia, connait la Russie des années 60 comme personne et gratter la peau de l'URSS a dû le rajeunir, pour de bons et mauvais souvenirs, sans doute. Chers camarades ! est sa façon à lui de se rappeler et la démonstration vaut pour tous ceux qui ont oublié (ou qui ne l'ont pas connu) comment l'on vivait à cette époque derrière le rideau de fer.
7/10
Loup solitaire (Lone Wolf), Jonathan Ogilvie, Australie.
Dans une librairie obscure de Melbourne, plusieurs activistes se réunissent, alors que le G20 va avoir lieu dans la ville. Souriez, vous êtes filmé ! Partout, via des caméras de surveillance, des faux détecteurs de fumée et éventuellement par des smartphones ou via Skype. Autant de moyens qu'utilisent Jonathan Ogilvie dans Lone Wolf, une adaptation moderne d'un roman de Joseph Conrad. Cyber est rude pour la vie des humains du XXIe siècle et c'est tour le génie de ce petit thriller australien que d'utiliser quasi exclusivement ces moyens d'intrusion dans la sphère privée. Si le début du film semble hésitant et anodin, le machiavélisme de l'entreprise, qui n'abat ses cartes qu'au fur et à mesure est fort séduisant jusqu'à la pirouette finale. Certes, il n'y a pas beaucoup de chaleur là-dedans mais c'est le sujet qui le réclame. Lone Wolf est censé se passer en juillet 2021. Avec les reports dûs à la situation sanitaire, il ne devrait finalement sortir qu'en septembre 2021, en Australie. Mais son acuité n'en sera pas pour autant restreinte.
6,5/10
Aurora, Paz Fabrega, Costa Rica.
Architecte et animatrice d'ateliers de dessin, Luisa, 40 ans, prend sous son aile Julia, une adolescente enceinte. Le troisième film de la costaricienne Paz Fabrega est à la fois lumineux et mystérieux. Entre Luisa et Julia se noue une relation plus ambigüe qu'il n'y parait, tout du moins du côté de la plus âgée. C'est tout l'intérêt devant Aurora que d'essayer de deviner les motivations profondes de Luisa, dont on a un bref aperçu de la vie plutôt solitaire, dévouée aux autres mais sans doute insatisfaisante. Ce sont aussi les limites du film qui refuse d'expliquer davantage sa psychologie, optant pour la bienveillance plutôt que pour la dramatisation. Simple d'apparence, Aurora est un long-métrage tout en nuances et délicatesse qui s'inscrit parfaitement dans la filmographie d'une des cinéastes majeures d'Amérique Centrale, une région du monde dont les oeuvres mériteraient d'être plus largement découvertes, en dehors des festivals internationaux.
6,5/10
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