Cinéphile m'était conté ...

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Provision de vieux films (Mai/4)

La tour des sept bossus (La torre de los siete jorobados), Edgar Neville, 1944

Un homme rencontre un fantôme au casino. Cet esprit lui propose un pacte : il le fait gagner à la roulette et lui enjoint de sauver sa nièce Inès, menacé par ceux qui l'ont assassiné. Film culte en Espagne, La tour des sept bossus brille par son atmosphère fantastique et ses décors expressionnistes. L'on pense aux muets allemands mais aussi à Cocteau : les miroirs comme les bossus, sont partie intégrante de l'histoire. Celle-ci n'est pas banale, même si l'aspect policier n'est pas d'une grande saveur. En revanche, les passages humoristiques font mouche et ne contredisent point l'aspect terrifiant du spectacle, du moins pour l'époque. La mise en scène et l'interprétation ne sont pas tout à fait à la hauteur mais le film est agréable et fort divertissant. Il n'est pas si loin, dans son intrigue, de celles imaginées de nos jours par le romancier Carlos Ruiz Zafon.

 

La barrière (Bariera), Jerzy Skolimowski, 1966

A la fin de ses études de médecine, un jeune homme quitte ses amis. Sur sa route, il croise notamment une conductrice de tramway. Le troisième long-métrage de Jerzy Skolimowski est le premier dont il n'est pas l'interprète. Dans l'esprit "nouvelle vague" qui a conquis le monde du cinéma, quelques années plus tôt, Bariera suit les déambulations d'un héros qui chemine avec un sabre et une valise. Loin de tout réalisme, malgré une charge violente contre le système communiste et la religion, le film est irrigué par l'absurde, celle de nos vies, où le choix de la jeunesse ne peut se faire qu'entre le cynisme et le romantisme. Nul doute que Skolimowski s'est beaucoup amusé à jouer avec la censure de son pays, en faisant de son film une sorte d'objet onirique mais la chose est parfois difficile à suivre pour le spectateur car tout peut arriver et surtout n'importe quoi. Il faut reconnaître à Bariera des qualités visuelles (et sonores) hors normes mais il demande en contrepartie de s'abandonner totalement à une narration erratique et déstabilisante. Pas si simple, si l'on n'est pas dans les dispositions idoines.

 

Le conscrit (De loteling), Roland Verhavert, 1974

Exempté de l'armée par le tirage au sort, un paysan flamand accepte cependant de s'engager dans l'armée, contre une somme d'argent. Ses malheurs commencent. Réalisé par Roland Verhavert d'après le roman éponyme paru en 1850, Le conscrit est une histoire forte en événements dramatiques (vol, faillite, cécité, viol) qui décrit avec un certain réalisme la vie dans les campagnes et les casernes, 3 ans après l'indépendance de la Belgique. L'accompagnement musical et la mise en scène sont particulièrement remarquables dans cette ballade tragique d'un soldat et de sa fiancée, soumis à la dureté des temps malgré la bienveillance épisodique de leurs semblables. Le conscrit fut présenté au Festival de Berlin, représenta la Belgique aux Oscars et son succès engendra un temps la mode des films "paysans" dans le cinéma flamand.

 

Un verre et une cigarette (Sigara wel kas), Niazi Mostafa, 1955

Une célèbre danseuse de cabaret sacrifie sa carrière pour se marier avec un médecin. Mais son penchant pour l'alccol et sa jalousie menacent le ménage. Un verre et une cigarette est surtout un film de femmes et même si la morale patriarcale traditionnelle s'impose au final, il y est bien question d'émancipation et de statut social entravé. Le film mélange plusieurs ingrédients avec un certain bonheur : le drame, la comédie, la musique, le thriller ... L'écriture est suffisamment adroite pour faire oublier une interprétation qui ne fait pas dans la dentelle. Dans cette histoire qui démontre que la jalousie n'est pas soluble dans l'alcool, Dalida, fraîchement élue Miss Egypte, se fait remarquer avec un rôle de vamp où elle joue des sourcils avec un certain talent. A moins d'être totalement imperméable au genre, le film se révèle plaisant à suivre dans ses très nombreuses péripéties.

 

Une fois, la nuit (Odnazhdy nochyu), Boris Barnet, 1945

Un avion est abattu au-dessus d'une ville russe occupée par les Allemands. Une jeune orpheline cache l'équipage, tandis que la répression s'abat sur la ville. Réalisé en 1944, dans des conditions vraisemblablement très difficiles, le film est  sans aucun doute une oeuvre de propagande mais aussi presque un reportage pris sur le vif de la désolation qu'entraîne la guerre, dans un décor en ruines. Il est donc plus proche de Rossellini que des films anti-nazis tournés à Hollywood. Il règne hélas une certaine confusion dans le récit, dans le sens où tout le monde parle russe sans accent, y compris les soldats allemands, un officier étant d'ailleurs joué par Boris Barnet lui-même. Quant au personnage de la jeune fille, l'idée d'en faire une sainte patriote s'accompagne d'une grande niaiserie extatique dans la performance de l'actrice qui l'incarne. Tourné dans l'urgence, le film témoigne du savoir-faire de Barnet, notamment dans son sens de l'espace, mais le résultat final n'est pas à la hauteur. Symboliquement, il est sorti le 1er mai 1945 en Russie, une semaine avant la capitulation de l'Allemagne.

 

 

 

 

 



22/05/2020
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