Provision de vieux films (Août/4)
La maudite galette, Denys Arcand, 1972
Un neveu et sa femme tentent de déplumer le riche oncle de la famille. Les cadavres vont s'amonceler. Premier long-métrage de fiction de Denys Arcand qui sonde avec cruauté la société québécoise de son temps avec des gens "ordinaires" dont la cupidité les pousse au crime, pour peu qu'il y ait une belle somme d'argent à récupérer. Pour quelques "piastres" de plus, le film suit en de longs plans séquences, parfois muets, la dérive de criminels d'occasion, avec une froideur teintée d'un humour noir savoureux. L'accent à couper au couteau mais surtout l'excellence de l'interprétation contribuent au méchant plaisir pris devant ce film amoral et sordide qui prend modèle sur le cinéma américain des années 40 et 50 mais dont la distance ironique et narquoise finit par le rapprocher des futures réalisations des frères Coen.
Armaguedon, Alain Jessua, 1977
Louis Carrier, modeste employé, hérite d'une grosse somme d'argent et décide de se venger de la Société. Le film commence pied au plancher, laissant les explications psychologiques pour plus tard. Le suspense est mené jusqu'à son terme, sans défaillance, avec un montage serré, des dialogues épurés et la musique déprimante d'Astor Piazzolla. Le message de Jessua est contenu dans la dernière partie du film où il décrit le combat désespéré d'un homme isolé contre un troupeau bêlant de gens qui "écoutent seulement quand ils ont peur." Une phrase qui n'a pas perdu de sa consistance aujourd'hui conjuguée à une critique acerbe de l'aveuglement des masses, de la société-spectacle et de l'abrutissement via la télévision, un peu plus datés. Jean Yanne est excellent, au niveau de ses prestations chez Chabrol et Salvatori surprend en comparse stupide et obéissant. En revanche, Delon, qui ne s'est pas entendu avec le réalisateur, est plutôt médiocre. L'on attend assez longtemps une confrontation physique entre les deux personnages principaux qui n'arrivera pas.
L'amica, Alberto Lattuada, 1969
Trompée par son mari, moquée par ses amies, Lisa se décide à sauter le pas et prend plusieurs amants. Ce cher Alberto Lattuada n'est pas à la fin des années 60 dans la période le plus inspirée de sa carrière, qui va décliner doucement. Son portrait d'une Bovary milanaise, riche et oisive, tente de capturer l'essence du spleen de la susdite, la superficialité du monde qu'elle côtoie et l'hypocrisie des sentiments. Malheureusement, le film est assez laid du point de vue des images et le jeu de Lisa Castoni est surtout axé sur la sensualité (Elsa Martinelli montre, dans un second rôle, ce qui différencie les bonnes actrices des moins douées). Rien à signaler du côté des hommes où notre Jean Sorel national a beau tenter de ressembler à Alain Delon, il ne parvient qu'à faire de son rôle un cliché redoutable. Bref, tout ceci est très ennuyeux et loin du niveau habituel de Lattuada.
25, rue des pompiers (Tüzolto utca 25), Istvan Szabo,1973
Dans un immeuble de Budapest, sur le point d'être détruit, ses occupants se souviennent de son histoire tumultueuse. Si une bonne connaissance de l'histoire de la Hongrie est nécessaire, elle n'est toutefois pas suffisante pour appréhender tous les événements d'un film choral qui ne laisse jamais une seconde de répit. Les personnages sont multiples, leurs destins se chevauchent, entre ceux qui ont fui, ceux qui sont morts, ceux qui ont collaboré pendant la deuxième guerre mondiale, ceux qui ont caché des "indésirables." Un vrai capharnaüm, accentué par son caractère symbolique et onirique et la mise en scène virevoltante de Szabo. Dommage, on aurait aimé que le film soit plus accessible au commun des mortels pour en saisir toutes les nuances et les subtilités, au-delà de son agitation constante.
Bigamie (The Bigamist), Ida Lupino, 1053
Un chef d'entreprise qui travaille entre Los Angeles et San Francisco mène une double vie, incapable de quitter l'une ou l'autre de ses deux femmes. En tant que réalisatrice, Ida Lupino n'a jamais choisi la facilité et a privilégié des thèmes sociaux, souvent infusés dans les grands genres hollywoodiens, le film noir et/ou le mélodrame. Le scénario de Bigamie est relativement simple mais intelligemment construit avec un flashback qui occupe une bonne moitié du film, le procès final n'intervenant que comme une obligation morale vis-à-vis de la censure et de l'opinion publique. Le film ne s'écarte d'ailleurs pas de l'image traditionnelle de la femme américaine des années 50 mais Ida Lupino surfe sur les conventions avec aplomb et subtilité, mettant le doigt sur la solitude dans les couples (un côté "sirkien" assumé) et dressant un portrait nuancé et compréhensif du bigame. On est loin d'une oeuvre féministe mais sensible et compatissante, cela, oui. L'interprétation est remarquable avec Joan Fontaine et Ida Lupino mais surtout Edmond O'Brien, le colosse au cœur d'argile.
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