Guirlande de vieux films (Juillet/2)
Après l'orage, Pierre-Jean Ducis, 1943
Un ingénieur agronome, dont les projets ont été rejetés par son petit village, part pour Paris où il fréquente le milieu du cinéma. Le message clairement exprimé par le film est dans l'air du temps de l'Occupation : la ville pervertit les honnêtes gens et la Terre ne ment pas, elle. Hormis cette lourdeur dans les intentions, Après l'orage se révèle plutôt aimable, amusant à l'occasion, surtout dans ses scènes provençales qui rappellent, en nettement moins bien, un certain Pagnol. Il est d'ailleurs dommage qu'on voit aussi peu Charpin, qui domine une distribution d'assez bon aloi où Jules Berry et Suzy Prim sont égaux à eux-mêmes, sans surjouer, et où René Dary peine à s'élever à leur niveau. A noter qu'il ne faut pas se fier aux résumés des différents sites qui évoquent le film : il n'y est absolument pas question de guerre (pas plus que d'orage, d'ailleurs). Après avoir tourné 12 longs-métrages en 10 ans, le réalisateur, Pierre-Jean Ducis, abandonna le cinéma à seulement 35 ans.
La grande Marnière, Jean de Marguenat, 1943
Dans un petit village, vivent deux ennemis jurés, un riche usurier et un châtelain désargenté. Lorsque le fils de ce dernier est suspecté de meurtre, les événements s'emballent. Jean de Marguenat, surtout connu pour Ademaï au Moyen-Âge, n'a guère marqué le cinéma français. Il a tourné trois fois sous l'Occupation et La grande Marnière, tiré d'un roman à succès, constitue sans doute sa meilleure réalisation. Ce drame paysan, malgré quelques roucoulades sentimentales et un hommage appuyé à la Terrre qui montre le chemin aux hommes, esprit de l'époque oblige, ne manque pas de rythme ni même d'humour. L'interprétation de Fernand Ledoux, Micheline Francey et Robert Le Vigan, en particulier, est de qualité. Et n'oublions Pierre Larquey, Ginette Leclerc, Jean Chevrier, Raymond Cordy et Marguerite Deval, dans des rôles plus ou moins importants.
L'amant de Bornéo, Jean-Pierre Feydeau, 1942
Un libraire de Châteauroux tombe amoureux d'une artiste et se fait passer pour un explorateur pour la conquérir. Seul long-métrage tourné par Jean-Pierre Feydeau, secondé par ce cher René Le Henaff, cette adaptation d'une pièce de théâtre n'a d'autre but que de divertir les spectateurs français, en cette terrible année 1942. Et elle y réussit grâce un dialogue souvent drôle et des situations cocasses autour de cet imposteur castelroussin. Il est vrai qu'il est incarné par le merveilleux Jean Tissier qui aurait mérité bien plus de premiers rôles. Il est à l'affiche de pas moins de 9 films en cette année dont L'assassin habite au 21 et Les inconnus dans la maison. A son côté, Arletty, excelle toujours dans la comédie y compris quand sa gouaille reste plus discrète. Ajoutons Pierre Larquey, Pauline Carton et André Alerme, entre autres, pour faire bonne mesure et passer un excellent moment.
Port d'attache, Jean Choux, 1943
Un marin démobilisé se fait engager dans une ferme malgré l'hostilité des paysans du pays. Jean Choux a réalisé quelques bons films au temps du muet et même du début du parlant (Jean de la lune). Port d'attache est son antépénultième film, scénarisé par René Dary, qui joue le rôle principal, un bon gars qui hésite entre terre et mer. On peut y voir une certaine idée de l'idéologie vichyste mais tout de même tempérée car le monde paysan semble bien fruste et peu accueillant vis-à-vis des étrangers. Le film est bien écrit, convenu mais solide et excellemment interprété par le "vieux" Edouard Delmont et quelques jeunes doués : Dary, sorte de Gabin mineur, Michèle Alfa, l'une des vedettes de l'occupation, l'ambigu Raymond Bussières, le méchant Alfred Adam et un quasi débutant nommé Henri Vidal. Tout se termine par une belle bagarre dans la poussière, le soir de la Saint-Jean, après des passages qui rappellent, en moins bien, le climat de La belle équipe.
Boléro, Jean Boyer, 1942
Un architecte est exaspéré par l'audition du Boléro de Ravel, joué par le pick-up de sa voisine. Il répond en frappant sur le plancher mais il va être le jouer d'une machination. Stakhanoviste des temps de l'Occupation (4 films à son actif en 1942), Jean Boyer ne cherche même pas à dissimuler l'origine théâtrale de son scénario. Ce vaudeville sentimental est très répétitif et accumule les twists avec délectation. C'est un peu mécanique et artificiel mais l'on s'amuse un peu grâce à l'interprétation d'Arletty (assez sobre), d'André Luguet (le Clark Gable français), Denise Grey (piquante) ou encore Jacques Dumesnil. Sans oublier dans un rôle secondaire le toujours suave Louis Salou. Quant à Simone Signoret qui apparait fugitivement à deux reprises, il s'agit de ses premiers pas au cinéma.
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