Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Plein la vue du côté d'Arras (8)

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Journée intense ce vendredi avec 6 films vus dont certains engagés dans la compétition européenne. Riche et diversifiée. Avec en point d'orgue un film hongrois déjanté (Roues libres) et un chef d'oeuvre (Loving).

 

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Nous ne sommes jamais seuls (Nikdy nejsme sami), Petr Vaclav, République tchèque
Plus grand cinéaste tchèque actuel, Petr Vaclav peut se consacrer à des projets personnels sans craindre la critique. Pour autant, son dernier film, concentré de scènes sordides, n'est pas des plus engageants. Ses personnages sont frustes, blessés mais le cinéaste ne nous fait pas vraiment ressentir de compassion à leur égard. Entre racisme, prostitution, crimes, l'univers dans lequel ils évoluent est assez désespérant. Sur le plan du scénario, la trame est plutôt décousue et confuse, certains protagonistes ne présentant pas un grand intérêt. Remarque analogue pour la mise en scène avec des choix esthétiques dont on peut questionner la pertinence. Pourquoi ces passages successifs du noir et blanc à la couleur et inversement, par exemple ? Un film décevant et glauque, dans l'ensemble.

 

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Paula, Christian Schwochow, Allemagne, sortie le 1er mars 2017
Paula Modersohn-Becker a été la première femme artiste-peintre à se voir consacrer un musée du côté de Brême. Morte prématurément, comme elle l'avait anticipé, sa vie fut un combat constant contre les quolibets et les moqueries dans l'Allemagne du début du XXe siècle. Le portrait de fiction que lui consacre Christian Schwochow fait tout pour s'éloigner du biopic traditionnel. L'artiste y est peinte comme un rebelle résolue, gaie malgré les épreuves, amoureuse d'un mari qui ne la satisfait. Il manque à Paula un soupçon de fluidité pour être le grand film que l'on espérait. Le film avance par touches impressionnistes mais l'on reste un peu à distance de cette femme insaisissable, en dépit du joli jeu d'actrice de Carla Juri.

 

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Roues libres (Tiszta szivvel), Attila Till, Hongrie, sortie le 25 janvier 2017
Les nouvelles du cinéma hongrois sont relativement rares mais généralement bonnes. Dans le sens où les films magyars ont tendance à être aussi originaux que brillants. Roues libres ne fait pas exception à la règle avec son histoire insensée de tueurs en fauteuil roulant. Pour un peu on se croirait dans une œuvre à la Tarantino mais ce n'est que l'un des aspects de ce film foisonnant qui propose notamment une mise en abyme superbement exécuté. Outre un humour, forcément très noir, Roues libres pose un regard sans tabou sur la condition d'handicapé, sans complaisance et sans misérabilisme aussi. Et, in fine, c'est l'émotion qui vient couper les jambes des spectateurs. Vraiment très fort !

 

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Le voyage au Groenland, Sébastien Betbeder, France, sortie le 30 novembre
Après l'exquis Marie et les naufragés, Sébastien Betbeder a posé ses caméras dans un endroit perdu du Groenland. Par le biais de la comédie, encore, avec chaleur, tendresse et humanisme. Et aussi un côté loup/phoque qui caractérise les relations impromptues entre deux jeunes français (un vrai duo rigolo) et une communauté inuit. Le voyage au Groenland témoigne d'un respect intégral dans la découverte réciproque de deux cultures très différentes. Une vraie page blanche avec un décor quasi vierge qui permet à Betbeder d'exprimer sa sensibilité, son humour et aussi sa capacité de créer de l'émotion. Le voyage au Groenland marque la confirmation d'un auteur singulier dans le paysage cinématographique français qui amène de la fraîcheur et de la spontanéité.

 

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Cessez-le-feu, Emmanuel Courcol, France, sortie le 19 avril 2017
Acteur et surtout scénariste, notamment de plusieurs films de Philippe Lioret, Emmanuel Courcol passe à la réalisation sur le tard avec Cessez-le-feu. Film sur le stress traumatique de la première guerre mondiale, il prend beaucoup pour installer ses personnages, en particulier celui de Romain Duris avec un épisode africain qui ne brille pas par sa concision. Cessez-le-feu est un film qu'il serait malséant de critiquer trop vertement mais qui n'offre cependant pas énormément de raisons de s'enflammer. De la bonne qualité française aurait-on dit à une certaine époque, très psychologique, avec quelques beaux paysages et des sentiments forts. Mais sans surprise tant du point de vue de son récit que de sa mise en scène. A signaler tout de même la grande interprétation de Grégory Gadebois, immense et pas seulement pour sa stature.

 

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Loving, Jeff Nichols, Etats-Unis, sortie le 15 février 2017

Au fil des sorties en salles, on s'aperçoit que le cru 2016 de Cannes était véritablement exceptionnel. Et ce ne sont pas les films primés qui retiennent l'attention mais bien quelques uns de ceux qui sont repartis bredouilles : Elle, Aquarius, Paterson et le sublime Loving. Le film de Jeff Nichols est un modèle de dignité et de rectitude morale, tout en étant une merveille de découpage cinématographique et d'émotion contenue. Une histoire d'amour, toute simple, qui n'aurait jamais dû être célèbre. Seulement, en 1958, en Virginie, un mariage interracial était tout simplement illégal. Si le film de Jeff Nichols touche autant, c'est qu'il est d'abord dans sa conception même fidèle à la modestie du couple qui l'a inspiré. Un homme, une femme et leurs enfants qui ne souhaitaient rien d'autre que d'être tranquilles avec nullement la volonté de changer la constitution américaine. Loving (quel nom de famille extraordinaire) s'intéresse peu aux arguties judiciaires et se concentre sur ces héros malgré eux, avec une délicatesse, une douceur et une bienveillance de tous les instants. Un film sublime et chaleureux qui ferait presque croire que l'homme est foncièrement bon.



12/11/2016
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