Parfaitement Alès (2)
Les Complices de Cecilia Rouaud
Tout le monde (ou presque) aime François Damiens et son élégance imperturbable dans les situations les plus loufoques. Le voir interpréter un tueur à gages qui a peur du sang promettait donc beaucoup, dans Les Complices de Cecilia Rouaud. Eh bien, c'est raté, et dans les grandes largeurs, et pas du tout pour le côté irréel d'un scénario qui semble basé uniquement sur le principe des contrastes entre un héros insensible (quoique) et un couple de voisins, gentils mais dénués de caractère. Prendre la roue de ces trois personnages, c'est malheureusement les voir se débattre dans une série de mésaventures laborieuses dont l'humour répétitif vole à très basse altitude. Les dialogues sont hélas ineptes et suscitent plutôt la gêne que le rire. Comédie sans prétention dira t-on et c'est bien le problème : nulle ambition dans la mise en scène à signaler et pour un Bruno Podalydès qui parvient à exister, de par son seul talent, quel gâchis d'utiliser une Vanessa Paradis pour un rôle sans véritable intérêt. Certaines scènes touchent au grotesque (celles du karaoké), de par leur réalisation déplorable et une alliance incongrue de violence (relative) et de situations censées nous gondoler. Le seul sentiment devant un étalage pareil de sottises, même pas drôles au dixième degré, ne peut être que la consternation.
Le capitaine Volkonogov s'est échappé de Natalya Merkulova et Aleksey Chupov
Il semble assez peu probable que Le capitaine Volkonogov soit diffusé sur les écrans russes, eu égard à l'implacable démonstration de l'horreur de cette terreur rouge de 1938, orchestrée par Staline, et considérant que le parallèle avec la situation actuelle, du côté de Moscou, ne peut être empêché. Le film adopte un style étrange, de fausse dystopie, dans une atmosphère dostoïevskienne agrémentée d'une touche de fantastique. Il n'est pas de tout repos, voire même insoutenable à certains moments, mais d'une intensité permanente autour de ce capitaine impliqué dans les purges et à la recherche d'une hypothétique rédemption. Dans un Leningrad fantomatique et sinistre, le film se caractérise notamment par de très violents flashbacks et une intrigue parallèle, avec le poursuivant de Volkonogov, élément narratif sans doute le moins concluant. Mais l'ensemble est visuellement ébouriffant et tient en haleine, moins par son côté thriller que par la quête désespérée de son héros, qui ne se prénomme pas Fiodor par hasard. Pas mal de titres de l'écrivain pourraient d'ailleurs convenir au film du duo de réalisateurs Natalya Merkulova et Aleksey Chupov : Crime et châtiment, Les pauvres gens, Humiliés et offensés, Souvenir de la maison des morts, Les carnets du sous-sol, Les démons, etc.
Disco Boy de Giacomo Abbruzzese
Avec 6 courts-métrages et deux documentaires à son actif, Giacomo Abbruzzese a eu le loisir de fourbir ses armes pour un premier long-métrage, Disco Boy, difficilement classable, y compris pour sa nationalité : à la fois Français, Belge, Italien et Polonais, tout en débutant en Biélorussie, se poursuivant dans le delta du Niger puis dans une boîte de nuit, devant un verre de Bordeaux (pas de spoilers importants dans ces indications). Le film, mine de rien, suggère une sorte d’État du monde et de ses côtés peu reluisants : les guerres, le colonialisme économiques, le sort des migrants, etc, dans une manière onirique et puissante, ouverte à l'interprétation et à la fascination (éventuellement pas) de chacun. Visuellement somptueux, porté par une musique hypnotique de Vitalic, et le charisme étrange et insensé de Franz Rogowski, Disco Boy conduit à une douce transe où l'expression des corps, soit en d'autres termes, la danse, semble être le seul point de convergence et de compréhension d'individus qui ne partagent ni leur origine, ni leur langage, ni peut-être une même vision de la vie. Mais qu'importe, le film, sous des dehors a priori hermétiques sait se montrer généreux à ceux qui préfèrent les ellipses au manichéisme et aux explications assénées avec la force des démonstrations. Disco Boy préfère les routes escarpées, avec points de vue, aux autoroutes à péage.
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 50 autres membres