Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Cette année à La Rochelle (1)

Tout commence avec Les cinq diables de Léa Mysius. Un marathon de cinéma, pour le plaisir.

 

Les cinq diables de Léa Mysius

Dans un certain "nouveau" cinéma français, qui n'a pas peur d'oser s'aventurer loin du réalisme et près du fantastique, Léa Mysius, après Ava et avec Les cinq diables, a assurément sa place. Tout en soulignant ses qualités de scénariste pour d'autres (Desplechin, Téchiné, Audiard et Denis à son palmarès), il est indéniable qu'il se passe quelque chose d'étrange et de pénétrant quand elle passe derrière la caméra. Cette manière d'utiliser les décors naturels (des Alpes, en l'occurrence), par exemple, et de créer un climat angoissant digne d'un film de sorcellerie. La fillette des Cinq diables n'est pas l'héroïne d'une énième récit d'apprentissage mais une cousine lointaine des enfants cruels du remarquable film norvégien The Innocents, à ceci près que c'est son attachement fusionnel à sa mère qui importe, au point d'encapsuler les odeurs de sa vie dans des bocaux. Le surnaturel s'invite peu à peu et presque naturellement dans la progression narrative d'un film qui voyage dans le temps et vers un incendie, pour exhaler un parfum de flammes. L"ouvrage n'est pas exempt de défauts, cependant, notamment dans la faible gestion des personnages secondaires masculins (le père, trop peu présent et le grand-père, anecdotique). Ses contempteurs pointeront sans doute le fait que le scénario du film est trop sophistiqué pour une histoire au final presque banale, une fois débarrassée de ses oripeaux mystérieux. Mais ce serait oublier la qualité indéniable de la mise en scène et l'interprétation remarquable d'Adèle Exarchopoulos, Sally Dramé et Swala Emati, toutes très investies.

 

Nos soleils de Carla Simon

A Berlin, cette année, l'Ours d'Or a récompensé le deuxième long-métrage de Carla Simón, Nos soleils, qui confirme que la cinéaste catalane est adepte des chroniques familiales et sous la chaleur, après Été 93. Pour raconter la vie d'une exploitation agricole (récolte de pêches, en particulier) vouée à disparaître, la réalisatrice alterne les scènes courtes autour de 4 générations d'une même famille, des jeux d'enfants aux tensions des adultes. Ce n'est pas la progression du récit qui semble intéresser Carla Simón mais plutôt la multiplication de vignettes censées créer une atmosphère particulière, dans des situations vécues différemment par les multiples protagonistes, selon leur âge et leur sensibilité. Cet état des lieux de la paysannerie catalane, à travers un exemple frappant, s'avère plutôt frustrant par son refus de véritablement développer chacun des personnages, le scénario se distinguant par son aspect cumulatif qui bride quelque peu l'émotion même si, sans doute, certains spectateurs se retrouveront dans ce cinéma par petites touches, à la densité sociale marquée. Le film est rythmé mais sans véritable temps fort et agaçant par sa volonté de ne pas souvent tirer la quintessence de chaque scène. C'est typiquement une œuvre de festival destinée à décrocher des récompenses de par son thème porteur. Séduire un large public dans les salles semble un peu moins dans ses cordes.

 

Les Harkis de Philippe Faucon

Comment résumer l'histoire des Harkis en 82 minutes seulement, c'est le défi que Philippe Faucon relève avec une sobriété et une efficacité certaines, bien que la frustration puisse éclore, eu égard au potentiel d'un tel sujet, qui n'avait jamais été traité de façon centrale par les cinémas français ou algérien. Pourtant, de la motivation de ces jeunes algériens à combattre au côté de l'armée française jusqu'à leur abandon par la Métropole, à la fin de la guerre, avec les conséquences tragiques pour ces hommes et leurs familles qui ont opté pour le "mauvais" camp, en tous cas pas celui des vainqueurs, le film dit l'essentiel avec une rigueur historique inattaquable. Dans son style épuré, qui va à l'essentiel, en faisant preuve de pédagogie et non de didactisme, Philippe Faucon parvient à encapsuler les dilemmes de l'époque, sans forcer le trait et en réduisant le volume de dialogues. L'aspect humain reste primordial même si on aurait aimé plus de développement concernant deux ou trois cas particuliers. Les Harkis n'étaient ni des héros ni des lâches, seulement des individus qui ont pensé faire le bon choix avant de se rendre compte qu'une fois le combat perdu, ils seraient livres à eux-mêmes, pour la plupart, et susceptibles d'y laisser leur vie, dans des représailles sanglantes. Avec sa concision et son honnêteté, Les Harkis est une leçon d'histoire qui, en d'autres temps, que les plus jeunes n'ont pas connu, aurait eu toute sa place en préambule d'un débat des célèbres Dossiers de l'écran.

 



02/07/2022
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