Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Parfaitement Alès (1)

 

Je verrai toujours vos visage de Jeanne Herry

De la réalisatrice du magnifique Pupille, Jeanne Herry, on attend désormais le meilleur. Dans Je verrai toujours vos visages, elle s'attaque à un sujet neuf et inconnu de beaucoup, la justice réparatrice. Elle le fait avec sa générosité et son humanité habituelles, avec deux intrigues censées se compléter, l'une individuelle et l'autre davantage collective, laquelle donne lieu à une multitude de dialogues en lieu fermé, entre des victimes de violence et des condamnés à la prison. Si l'on voit bien où le film veut en venir, dans ces ateliers de réparation, le procédé aurait été sans doute été plus adapté à une pièce de théâtre, plutôt qu'à une œuvre cinématographique. Le montage a beau être relativement fluide, le degré d'intensité se maintient à un niveau constant, devenant quelque peu étouffant. Et ce n'est pas le deuxième récit, en partie sacrifié, qui permet de respirer, bien au contraire. On sent parfaitement tout le travail de collecte de témoignages et de documentation qui a nourri le scénario mais cette richesse accentue encore l'impression d'avoir maille à partir avec des histoires très (trop) écrites d'où la spontanéité semble comme absente, en dépit du talent de la pléiade d'acteurs et d'actrices talentueux convoqués. Il n'est pas interdit de penser au formidable Les Repentis, d'Icíar Bollaín, plus direct et bien plus émouvant, sur une thématique un peu différente mais pas si éloignée.

 

Quand tu seras grand de Andréa Bescond et Eric Métayer

Après Les Chatouilles, Andréa Bescond et Eric Métayer ont posé leur caméra dans un Ehpad, le genre de lieu dont on sait que la "gestion" pose problème, et pas qu'un peu. C'est avec une immense tendresse pour les personnes âgées et compréhension pour des soignants submergés, à cause du manque de moyens, que le film aborde le sujet et lui adjoint un élément scénaristique piquant, avec la confrontation inattendue des séniors avec une classe d'enfants. Sans être programmatique, Quand tu seras grand trouve assez facilement son rythme, au sein d'un récit choral, où le dosage entre humour, social, tragédie et pittoresque permet de faire évoluer cette relation incongrue de manière relativement classique. A vrai dire, les portraits des différents pensionnaires de la maison de retraite sont plutôt archétypaux mais la verdeur des dialogues et une interprétation pleine de fraîcheur font oublier les quelques facilités de l'écriture. Et c'est avec un grand cœur que le duo de réalisateurs filme une histoire dont Aïssa Maïga et Vincent Macaigne, malgré leur énergie respective, ne sont pas nécessairement ceux dont la présence marque le plus. Un film très humain, donc, qui pourrait, pourquoi pas, donner quelques idées aux responsables de ces établissements dont l'image a bien besoin d'être rehaussée.

 

Le prix du passage de Thierry Binisti

Dans Le prix du passage, Alice Isaaz, au sein d'une interprétation d'excellent niveau, montre à quel point elle est talentueuse et mériterait de se voir confier davantage de rôles importants par les réalisateurs français. Si elle tire à ce point son épingle du jeu, c'est aussi parce que le scénario du film de Thierry Binisti est cohérent, reprenant certains motifs d'histoires, autour des réfugiés de la région de Calais, en les intégrant dans un récit linéaire et crédible qui évite au passage certains pièges comme le sentimentalisme trop appuyé. Le personnage que joue Alice Isaaz n'est pas une sainte ni une amoureuse (si ce n'est de son petit garçon) mais une femme pragmatique, avec un sens moral critiquable mais proportionnel à ses difficultés financières pour assurer le quotidien. Même souci de réalisme avec les migrants, présentés comme des hommes en souffrance, mais sans trémolos, et prêts à risquer leur peau pour toucher à leur but ultime. Bien cadencé, le film offre un regain de tension dans sa deuxième moitié, et s'avère relativement efficace dans son suspense. Dommage que le dénouement soit un peu précipité mais il a le mérite de la clarté et ne jure pas avec la tonalité globale de la narration. Pas de leçon ni de démagogie dans Le prix du passage mais une évocation sensible de parcours sous forme de galères, face à l'amer de l'existence.

 

 



25/03/2023
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