Concerto en Arras majeur (9)
Et 4 films qui font 40. C'est déjà la fin. Et encore de belles choses à voir aujourd'hui, dont un petit film belge miraculeux et une oeuvre puissante consacrée au Maroc. Quant au palmarès de la compétition européenne, il devait pour moi absolument privilégier Le mineur (Slovénie) et Arythmie (Russie). Le deuxième a obtenu deux prix et le premier aucun, ce qui me rend un peu triste. C'est le slovaque La ligne qui a raflé la mise, alors que c'est le film que j'ai sans doute le moins aimé parmi les 9 de la compétition. Je m'en remettrai car l'important était bien ailleurs, dans la grande qualité générale des films sélectionnés. Vivement l'année prochaine.
Drôle de père, Amélie Van Elmbt
Parfois, certains films sont de petits miracles. Drôle de père est un film fragile qui met en vedette une fillette de 5 ans qui va passer du temps avec son père, qu'elle ne connait pas. C'est la fille de la réalisatrice Amélie Van Elmbt qui joue le rôle et elle ignorait également que l'acteur en face d'elle était censé être son père. Résultat : un petit film où il ne se passe pas grand chose mais où la spontanéité mêlée à une écriture rigoureuse du scénario et à une mise en scène déliée font passer un vent de fraîcheur et d'émotion pure. Produite par les frères Dardenne et parrainée par un certain Martin Scorsese, la cinéaste namuroise fait preuve d'un grand talent et d'une immense sensibilité dans une oeuvre qui évite toute niaiserie et enchaîne parfaitement des situations a priori anodines mais où pointent une tendresse et une bienveillance extrêmes. Drôle de père est le deuxième long-métrage de la cinéaste de 31 ans après La tête la première. Il y a de fortes probabilités pour que l'on réentende parler d'elle dans le futur.
Breaking News, Iulia Rugina
Lors d'un direct de télévision, un caméraman meurt sous les décombres d'un plafond d'usine qui s'est écroulé. Son coéquipier journaliste cherche à rencontrer sa famille. Au vu de son titre et de son sujet, on s'attendait à ce que Breaking News soit, au même titre qu'un autre film roumain sorti cette année (Fixeur), une réflexion sur le traitement de l'information et ses excès. Le sujet est vite évacué par la réalisatrice, Iulia Rugina, et le film une sorte de mélodrame où le journaliste survivant découvre les rapports qui unissaient son collègue décédé avec sa fille adolescente. Pourquoi pas, mais encore aurait-il fallu donner un peu plus de grain à moudre à un scénario qui piétine et ne dit finalement rien. Au fur et à mesure, le film perd progressivement tout intérêt malgré une interprétation honnête dans une posture médiane entre pudeur et émotion. Au final, Breaking News fait montre d'une certaine froideur et surtout d'une incapacité à raconter quoi que ce soit de passionnant. Dire que l'on reste sur sa faim est un doux euphémisme.
Razzia, Nabil Ayouch
Après le très controversé Much Loved, Nabil Ayouch est de retour avec un film aux ambitions folles : Razzia. Rien de moins qu'une oeuvre chorale, avec au moins 5 intrigues distinctes, commençant en 1982 dans les montagnes de l'Atlas et se terminant de nos jours dans les rues de Casablanca. Une ville au bord de la crise de nerfs peuplé de personnages en quête de libertés individuelles, personnelles et intimes, des thématiques que l'on retrouve dans tous les métrages du cinéaste. Le réseau narratif que Ayouch a mis en place fonctionne parfaitement comme entité globale et un tout petit peu moins quand on prend les différentes histoires séparément, certaines d'entre elles sortant vraiment du lot. Dans ses meilleurs moments, il se dégage du film une puissance extrême qui se mêle heureusement avec une poésie âpre et un art de la provocation qui le fera sans doute difficilement accepter par certaines communautés au Maroc. L'ensemble est une critique assez dure d'un pays miné par la corruption, les inégalités sociales, le fondamentalisme religieux ou encore la frustration sexuelle. "Il n'y a rien de plus beau que le ciel de Casablanca" s'exclame l'un des principaux personnages. De là à le voir bientôt s'embraser et être le témoin d'une contestation de plus en plus violente, il n'y a qu'un pas que Nabil Ayouch semble près de franchir. A ce titre, son film, par ailleurs superbement réalisé, semble aller bien plus loin qu'un simple constat de déliquescence vers une prophétie tragique.
Battle of the Sexes, Valerie Faris & Jonathan Dayton
En 1972, la joueuse de tennis Billy Jean King est au sommet. Une championne qui se fait aussi militante pour une meilleure répartition des gains entre hommes et femmes. Un combat qui est loin d'être gagné d'avance. Et qui prend une tournure inédite quand l'ancien n°1 masculin, Bobby Riggs, âgé de 55 ans, la met au défi de l'affronter. Battle of the Sexes, signé de Valerie Faris et Jonathan Dayton, le double mixte gagnant de Little Miss Sunshine, raconte cette histoire édifiante, qui dépasse largement le cadre sportif pour devenir un symbole de la lutte féministe pour l'égalité des sexes. C'est un film américain et cela signifie, malgré le respect que l'on doit aux réalisateurs, outre une efficacité certaine, un certain manque de subtilité dans la narration. Mais après tout, ce qui est montré est la réalité et si le portrait de ce phallocrate de Bobby Riggs (Steve Carell, excellent) semble chargé, il n'en est pas moins grandement conforme à la vérité. Jeu, set et macho, alors ? Oui, et même si les hésitations de Billy Jean (Emma Stone, remarquable) en matière d'orientation sexuelle occupent une trop large place, cela montre à ceux qui en douteraient encore qu'à l'époque l'intolérance régnait en maître. Quant à la comparaison avec le Borg/McEnroe sorti un peu plus tôt, elle n'a évidemment pas lieu d'être. Dans Battle of the Sexes, les enjeux sont bien différents et le match entre King et Riggs, en dépit de son environnement de jeux du cirque, avait avant tout une valeur emblématique et, osons le mot, historique.
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