Les docteurs Freud et Jung sont dans un bateau (A dangerous Method)
Les Docteurs Freud et Jung sont dans un bateau. Le cigare du premier tombe à l'eau. Qu'est-ce qu'il reste ? Une relation maître/élève ou père/fils, comme on voudra, qui prend ... l'eau. A dangerous Method, sur le papier très alléchant, avec cet affrontement entre les deux grands pionniers de la psychanalyse, donne la part trop belle au personnage de Sabina Spielrein, patiente et maîtresse de Jung, jouée par une Keira Knightley qui ne fait pas dans la dentelle pour incarner l'hystérie. Une prestation à la limite du ridicule qui contraste avec l'interprétation inspirée de Viggo Mortensen et Michael Fassbender, tous les deux remarquables. Dommage que leur "duel" à fleurets mouchetés ne soit pas davantage développé, chacune de leurs conversations est un régal. Freud, le cigare continuellement vissé aux lèvres (cherchez la symbolique), juif et aux moyens financiers limités, contre Jung, aryen et marié avec une femme aisée, c'est aussi la lutte des classes, au sein de la psychanalyse balbutiante, et cet aspect marxiste aurait mérité lui aussi d'être étoffé. Entre ces deux grands bourgeois, aux névroses opposées, Cronenberg choisit de privilégier la personnalité de Jung, plus complexe, plus torturée (quoique), moins psychorigide que son aîné. Et les seconds rôles marquants, bien que peu de temps à l'écran, sont ses interlocuteurs : son épouse et un patient peu ordinaire, le Dr Gross, jouisseur et dépravé, joué avec délectation par Vincent Cassel. Sur la forme, A dangerous Method est d'une sagesse étonnante, vu le C.V de son réalisateur. Pas beaucoup de fièvre, trop de retenue pour cette adaptation d'une pièce de théâtre, elle-même tirée d'un livre. La mise en scène est impeccable, propre sur elle, impossible de dire le contraire, et le scénario n'est pas avare d'ellipses intelligentes (on reconnait la patte de Christopher Hampton), mais on s'attendait à ce que Cronenberg mette le feu au lac. Ce ne sont pas quelques fessées et un troussage rapide de servante qui libèrent le potentiel érotique du film. Est-ce le début de l'embourgeoisement pour le cinéaste ou une simple pause avant de lâcher à nouveau les chevaux ?
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