Le treizième amendement (Lincoln)
Les cinéastes qui se sont attaqués au personnage de Lincoln, cette statue du Commandeur, avaient tous un brevet "d'américanité" en bandoulière. A commencer par Griffith et John Ford, les plus emblématiques d'entre eux. Spielberg est évidemment dans cette lignée, de ceux qui peuvent oser se confronter au mythe. Son Lincoln (qu'on cesse de parler de biopic puisqu'il n'est ici question que des derniers mois de sa vie) est vu à travers les derniers soubresauts de la guerre de Sécession et, surtout, de la préparation au vote du 13ème amendement, qui mit l'esclavage hors-la-loi. S'il ne se soumet pas à un exercice hagiographique, Spielberg cède cependant à la tentation de donner une leçon d'histoire, dans des scènes qui ont parfois plus à voir avec le théâtre que le cinéma, par une surabondance de dialogues, certes parfois passionnants, mais qui finissent par créer une sensation figée qui va à l'encontre du mouvement de l'époque, alors que l'heure est brûlante. De temps à autre, Lincoln s'évade des arguties parlementaires, comme pour la très belle scène d'ouverture et la toute dernière partie du film et l'on sent Spielberg comme libéré d'un carcan que le scénario lui impose. Daniel Day-Lewis est stupéfiant, mais c'est une telle habitude pour lui, et toute l'interprétation est remarquable, notamment celles de Tommy Lee Jones, David Strathairn et Sally Field. Il y a cette double impression au final : un film taillé pour la course aux Oscars et une grande oeuvre intimidante et un brin monolithique qui ne laisse affleurer de rares aspérités, celles de la vie intime du président, par exemple, qu'en de brefs moments.
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