La Rochelle, ma belle (7)
Presque une journée de repos avant le sprint final. Deux films vus seulement : Un grand voyage vers la nuit et Aga. Aux antipodes l'un de l'autre.
Un grand voyage vers la nuit (Di qiu zui hou de ye wan), Bi Gan, sortie le 22 août)
Au milieu d'Un grand voyage vers la nuit, le héros s'assoit dans un cinéma et chausse ses lunettes. C'est le signal que le film passe soudain en 3D avec un plan-séquence qui va durer pas moins d'une heure. Vous avez dit Bi Gan ? Oui, c'est bien de ce cinéaste prodige chinois de moins de 30 ans, auteur du déjà très remarqué Kaili Blues, qu'il s'agit. Mais avec ce deuxième long-métrage, il passe à la vitesse supérieure, du moins par son ambition. Un grand voyage vers la nuit semble en effet se placer entre Wong Kar-wai, pour l'esthétisme et le romantisme, et David Lynch, pour l'opacité labyrinthique de la narration. Le résultat ne comblera pourtant pas tous les spectateurs car le film peut aussi passer pour un exercice formel un brin prétentieux et dénué de fond véritable. On peut cependant l'apprécier pour ses qualités visuelles et sonores qui en font un objet hypnotique (malgré une voix off très sentencieuse) à partir du moment où on se laisse entraîner sans chercher véritablement à comprendre sa finalité. Le film évoque la porosité de la mémoire et la fausseté de souvenirs qui prennent davantage l'aspect d'une rêverie trafiquée et embellie. Bi Gan a manifestement beaucoup de talent mais aussi, sans aucun doute, une grande conscience de sa propre virtuosité. L'on peut sortir d'Un grand voyage vers la nuit très agacé ou bien complètement séduit. Ne rien en savoir avant la projection et plonger dans ce songe nocturne sans a priori est encore la meilleure façon d'apprécier le voyage.
Aga, Milko Lazarov, sortie le 7 novermbre
Au nord-est de la Sibérie, s'étend la Iakoutie. C'est là que vivent, complètement isolés, les vieux Nanouk et Sedna. Aga, le film du bulgare Milko Lazarov, commence comme un documentaire sur leur quotidien fait de chasse, de pêche, de ravaudage et de conversations dans la yourte (nature). Des occupations traditionnelles, de plus en plus menacées par les changements climatiques. Cependant, le film évolue peu à peu vers la fiction, avec le questionnement sur Aga, la fille du couple qui vit loin d'eux. Au-delà de certaines scènes attendues, dignes de Nanouk l'esquimau (1922), le film devient plus qu'intéressant, malgré une certaine lenteur, en explorant la sphère intime de ses deux personnages seulement accompagnés de leur chien fidèle. Les images sont superbes évidemment mais Aga donne aussi accès à la vie intérieure de Nanouk et de Sedna, en gardant une simplicité narrative qui n'empêche pas une certaine subtilité et profondeur dans le domaine psychologique. La musique de Mahler se marie parfaitement avec le récit qui ne cherche jamais à poétiser plus que de raison ces existences soumises aux lois de la nature.
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