Kobayashi, cet inconnu
Masaki Kobayashi est connu pour La condition de l'homme, Hara-Kiri Kwaidan et Rébellion. Mais pendant la majeure partie de la première partie de sa carrière, il s'est consacré à des mélodrames qui sont aujourd'hui plus facilement visibles. Et qui offrent une approche différente d'un cinéaste à travers des oeuvres moins personnelles mais qui contiennent en germe les thématiques qu'il développera plus tard.
Les belles années (Uruwashiki saigetsu), 1955
Dix ans après la fin de la guerre, trois amis se débattent pour gagner leur vie et s'établir dans une société encore figée par les traditions. Les belles années est l'un des fleurons de la première carrière de Masaki Kobayashi avant de signer les films qui l'imposeront : La condition de l'homme, Hara Kiri et Kwaidan. Le cinquième film du cinéaste s'inscrit dans une veine mélodramatique classique qui doit beaucoup à Kinoshita, qui a formé Kobayashi. C'est une oeuvre romanesque d'une richesse d'écriture extraordinaire et d'une sensibilité vive qui s'intéresse à une génération marquée par la guerre et qui peine à trouver sa place tant du point de vue social que sentimental. Grand pourfendeur des inégalités dans son pays et de certaines coutumes dépassées, comme celles des mariages arrangés, Kobayashi est moins virulent que dans ses films futurs. Il n'en est pas moins admirable par la juxtaposition des intrigues et par son portrait sans fard d'un Tokyo encore traumatisé par la guerre. Précis dans ses détails du quotidien, Les belles années est ample, dense et sereinement lyrique avec des pointes d'humour bienvenues, représentées par les personnages les plus âgés, d'une sagesse et d'une liberté remarquables. Avec son dénouement déchirant, le film se hisse à la hauteur des meilleurs mélodrames de Mikio Naruse. Et ce n'est pas peu dire.
Coeur sincère (Magokoro), 1953
Un lycéen amateur de rugby a la vie facile. Contrairement à une jeune voisine qui souffre de tuberculose. Le deuxième film de Masaki Kobayashi, écrit par Keisuke Kinoshita, est un mélodrame comme dans tout le début de sa carrière, mais celui-ci est très appuyé avec des torrents lacrymaux en guise de dénouement. Les personnages ne sont guère fouillés dans les deux familles que tout oppose et le récit manque singulièrement souffle. On perçoit tout de même un peu de tempérament du cinéaste dans la description des inégalités sociales du Japon à travers la maladie de la jeune fille, qui ne peut que succomber puisqu'elle est pauvre. Mais cet aspect reste noyé sous une épaisse couche sentimentale.
Quelque part sous le ciel immense (Kono hiroi sora no hokokia ni), 1954
Hiroko gère avec son mari un petit magasin de quartier (alcools et épicerie). Elle vit sous le même toit que sa belle-mère, son beau-frère et sa belle-soeur. Prototype du Shimon-geki (le quotidien au sein d'une famille moyenne), genre brillamment illustré par Naruse, Ozu et Kinoshita, Quelque part sous le ciel immense ne raconte rien d'extraordinaire si ce n'est la vie de l'après-guerre à Tokyo. Le ton est à la mélancolie distillée ici sans excès et principalement présent dans les deux personnages féminins principaux : l'épouse, qui a du mal à se faire accepter et la soeur, dont le fiancé est mort pendant la guerre et dont le caractère s'aigrit peu à peu. Kobayashi fait preuve de beaucoup de bienveillance et ne néglige aucun de ses personnages. Un joli film, bien meilleur que Coeur sincère et cependant inférieur à Les belles années, pour ne parler que de deux films tournés à la même époque par Kobayashi. Atout supplémentaire de Quelque part sous le ciel immense : la présence de la grande Hideko Takamine, dans un rôle hélas secondaire.
La fontaine (Izumi), 1956
Un conflit oppose des paysans et une compagnie de Tokyo autour de l'approvisionnement en eau. Le Kobayashi socialement mpliqué se retrouve ici dans deux visions particulièrement opposées de l'évolution du Japon : celle des campagnards et celle des citadins, qui ne se préoccupe que de rentabilité. Mais comme souvent dans les premiers films de Kobayashi, l'intrigue n'est pas linéaire et abandonne son sujet premier pour ce focaliser sur un drame romantique, une histoire d'amour compliqué entre deux êtres orgueilleux. Le récit est trop dilué et sa richesse même est son principal défaut. Le film est marqué cependant par une maîtrise constante de la mise en scène et une interprétation de première ordre. Ineko Arima et Keiji Sada (tous les deux vus aussi chez Ozu) sont magnifiques, notamment le dernier nommé, avec son élégance à la Gary Cooper.
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