Cinéphile m'était conté ...

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Biarritz Latino (3)

 

Propriedade, Daniel Bandeira, Brésil

Né à Recife, comme son ami Kleber Mendonça Filho, Daniel Bandeira croit dans les vertus du film de genre pour parler de la réalité sociale au Brésil et, partant, des racines de la violence ancrée depuis longtemps dans la société. Propriedade est un thriller, qui emprunte parfois les codes de l'horreur, dans un cauchemar qui ne fait que s'amplifier durant 100 minutes. Ce qui apparaît clairement dans le film, poussé même à l'extrême, est l'absence de dialogue entre grosso modo les dominants (souvent blancs) et ceux qui les servent, taillables et corvéables à merci (souvent pas blancs). Mais il y a surtout la peur qui est deux côtés, obligeant les uns à se protéger (en voiture blindée, par exemple), tandis que les autres n'ont que leur rage et leurs poings pour se défendre. Ceci dit, le réalisateur est assez malin pour laisser le spectateur choisir son camp, même si on peut penser que la balance penche plutôt d'un côté. Propriedade est tout sauf confortable, puissamment symbolique et outrancier puisque c'est la voie qui a été choisie pour portraiturer un pays à la violence endémique et fracturé comme jamais, depuis les élections présidentielles de 2018. Comme quoi un film de genre peut cacher une œuvre politique et polémique qui suscite des débats fiévreux, depuis sa première présentation au Brésil, en octobre 2022.

 

A cielo abierto de Mariana et Santiago Arriaga, Mexique

A cielo abierto est le premier scénario écrit par Guillermo Arriaga, quelques années avant celui d'Amours chiennes. L'histoire n'avait pas trouvé preneur à l'époque, avant que Santiago (le fils) et Mariana (la fille) se voient confier par leur père l'adaptation de ce récit, situé au milieu des années 90. Si la patte du scénariste de Babel est parfois reconnaissable, en particulier avec les thèmes de la vengeance et du pardon, elle apparaît peu affirmée, dans un road trip à travers le Mexique qui se dirige tout droit vers un dénouement relativement prévisible. L'idée la plus intéressante semblait être de donner les clés de la voiture à trois adolescents, deux frère et une demi-sœur, pour ajouter un piment familial à un récit par ailleurs très linéaire. Les trois jeunes acteurs se débrouillent plutôt bien dans l'ensemble et apportent un supplément de fraîcheur à un film qui a du mal à passionner sur la longueur. La faute aussi à une mise en scène sans grande inspiration. Ce qui confirme que les histoires de Arriaga méritent un réalisateur digne de ce nom pour les magnifier, comme ce fut le cas avec Alejandro González Iñárritu, évidemment, mais aussi avec Trois enterrements de Tommy Lee Jones ou le moins connu Les amants de Caracas de Lorenzo Vigas.

 

Levante, Lillah Halla, Brésil

Levante signifie insurrection en langue portugaise. Celle que Lillah Halla appelle de ses vœux dans son film, en réaction à l'intégrisme religieux qui pollue de plus en plus la société brésilienne. La poche de résistance et de solidarité que représente l'équipe de volley inclusive dans laquelle s'illustre l'héroïne de Levante ne semble pas de force à résister aux vents contraires, déchaînés dès lors qu'il est question d'un avortement annoncé. La réalisatrice fait monter la pression de manière continue, utilisant toutes les ressources du cinéma militant, utiles dès lors qu'il s'agit de s'opposer à ce qui ressemble à une lame de fond réactionnaire, intolérante et terriblement misogyne. Le film recherche bien évidemment notre empathie et certains trouveront peut-être qu'il ne se soucie pas de nuances dans son combat. Mais il y emploie tellement d'énergie et de sincérité blessée qu'on lui pardonne quelques raccourcis et des personnages parfois bien trop schématiques. Au smash, Levante est diablement efficace et galvanisant mais par dessus tout courageux, dans un contexte social qui n'épouse pas nécessairement ses convictions. Un bémol tout de même : les parties de volleyball, jeu éminemment spectaculaire, sont horriblement mal filmées ou plutôt pas du tout montrées, ce qui enlève un peu de crédibilité à la valeur sportive de son héroïne. Mais bon, ce n'est pas l'essentiel, on l'aura compris.

 



27/09/2023
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