Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Ici, c'est Angoulême (2)

 

 

 

Ma vie ma gueule de Sophie Fillières

La mort a frappé Sophie Fillières avant qu'elle puisse procéder au montage de Ma vie ma gueule. Ses enfants s'en sont chargés et sont sans aucun doute restés fidèles à l'esprit du cinéma de leu mère, avec sa fantaisie, sa poésie et son sens de l'absurde. C'est une évidence que Agnès Jaoui joue un personnage proche de la réalisatrice, avec ses failles, ses idées farfelues et son goût de vivre, aussi. Il est difficile de juger Ma vie ma gueule de manière froide, en oubliant que celle qui a voulu et conçu ce film n'est plus aujourd'hui de ce monde. Il est assez déconcertant, toutefois, avec de fortes chutes de rythme et certaines scènes qui tombent un peu à plat. Ce n'est pas lui faire injure que d'affirmer que son dernier film n'est pas le meilleur de Sophie Fillières mais il lui ressemble évidemment, dans le sens où la cinéaste n'a jamais recherché la perfection mais a, au contraire, toujours marqué sa préférence pour les personnages un peu fêlés et peu adaptés à la société moderne. Et en l'occurrence, la prestation d'Agnès Jaoui est un bel hommage à la femme, à la scénariste et à la réalisatrice que fut Sophie Fillières.

 

Les Barbares de Julie Delpy

Les Barbares de Julie Delpy rappelle sacrément The Old Oak de Ken Loach, à ceci près que la réalisatrice française a choisi la veine comique, ou satirique, si vous préférez, pour portraiturer un petit village breton, aux prises avec une famille de réfugiés syriens.Il n'est pas si facile de manier l'humour sans créer une galerie de personnages aussi proches de la vérité que de la caricature, l'on peut hésiter, avec notamment un raciste de la plus belle eau, si l'on peut dire, joué avec une certaine jubilation par l'incroyable Laurent Lafitte. Julie Delpy s'arrête avant le vitriol, elle n'est pas folle, et l'on pressent que tout finira plutôt bien, parce que la raison finit toujours par triompher de la peur de la différence et de l'ignorance. Ou bien non ? Le plus réussi, dans le film, c'est justement la famille syrienne, traitée avec bienveillance mais sans mièvrerie, et que l'on aurait aimé suivre encore davantage que leurs amis ou opposants français. La réalisatrice vise à refléter une certaine difficulté du vivre ensemble, manifestement plus facile quand il s'agit d'Ukrainiens plutôt que de Syriens. Le pari est en partie réussi mais pas intégralement, non pas par manque de rythme ou de conviction mais par certains choix scénaristiques, visant à donner un temps de jeu important à Sandrine Kiberlain et India Hair, par exemple, dont les rôles respectifs n'ont qu'un intérêt très limité. Et donc, Julie Delpy fait moins bien que Ken Loach ? Personne ne sera vraiment surpris par cette affirmation mais elle aura essayé.

 

Vingt Dieux de Louise Courvoisier

Jurassienne pur jus, Louise Courvoisier à tout naturellement consacré son premier long-métrage, Vingt Dieux, à sa région et, plus particulièrement à sa jeunesse, celle qui, pour combattre l'ennui, boit plus que de raison et cherche parfois là bagarre. Mais au-delà de ce contexte, une plongée dans le monde rural, d'une manière pas si différente de Chien de la casse, la réalisatrice impose très vite un regard personnel sur ses personnages, un peu frustes, avec une vraie tendresse et un souci d'authenticité, accentué par son casting de non-professionnels. N'allons pas jusqu'à parler de Pialat mais il y a dans Vingt Dieux un goût avéré pour le naturalisme, qui n'empêche pas de l'agrémenter d'une envie de romanesque, sans oublier un sens de l'humour très marqué et jamais gratuit. À l'international, le film s'intitule Holy Cow et c'est vrai que les vaches y tiennent un rôle primordial, de même que la fabrication du Comté. C'est ce mariage entre une veine réaliste, voire documentariste, jamais austère, et une fiction simple et attachante (le jeune héros et sa petite sœur adorable) qui fait en grande partie l'attrait de ce premier long-métrage dont on a le droit de tomber un peu amoureux. Et si la néo-réalisatrice a encore des histoires à nous raconter sur le Jura, qu'elle ne se gêne surtout pas, cet appel d'air frais et de nature est en tous points appréciable.

 



28/08/2024
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