Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Ici, c'est Arras (5)

 

Toujours partant pour des films slovène, norvégien et roumain.

 

Moja Vesna, Sara Kern

Une fillette de dix ans, sa sœur enceinte, son père déphasé et sa mère disparue tragiquement. Voici la famille d'émigrés slovènes dans la banlieue de Melbourne qui évolue dans Moja Vesna, le film australo-slovène de Sara Kern. Tout est vu à travers les yeux de la petite fille, au fil de scènes qui sont autant de fragments d'une vie déboussolée. L'atmosphère y est pesante, étrange et souvent cryptée, hélas, alourdie de tout un tas de symboles qu'il n'est pas aisé de déchiffrer, comme cette image d'un pélican glissant nuitamment sur la surface d'un lac. La cinéaste ne tend que peu de perches au spectateur, refusant de composer une trame linéaire. C'est un film sur le deuil, assurément, sur le destin d'exilés aussi mais il manque beaucoup d'éléments du puzzle pour ressentir véritablement de l'émotion, ou tout du moins un peu de compréhension à l'égard de cette famille et notamment de cette fillette, qui est en quelque sorte sa seule pièce stable et raisonnable, en dépit de sa difficulté à appréhender les errements de ses proches et sa propre affliction. L'on comprend bien qu'en racontant cette histoire à hauteur d'enfant, la réalisatrice a voulu nous plonger dans son quotidien erratique. Mais une fois cela dit, l'on n'est guère avancé et un peu décontenancé par le faux rythme et l'absence de clarté du long-métrage.

 

Sick of myself (Syk pyke), Kristoffer Borgli, sortie le 12 avril

Les deux personnages principaux de Sick of Myself, Signe et Thomas, forment un couple atrocement antipathique, elle surtout, d'ailleurs, des Narcisses modernes qui sont prêts à tout pour attirer le regard des autres, quel que soit le type de "performance" qu'ils décident de réaliser. Dans cette satire du culte de la personnalité, au style proche d'un Ruben Östlund, le norvégien Kristoffer Borgli pousse le curseur à son extrême, humiliant au passage ses deux protagonistes, humour noir ou pas. Autant dire qu'à l'instar de Sans filtre, Sick of Myself sera considéré par certains comme lourd et exhibitionniste, voire écœurant. Le défi de rendre Signe humaine est cependant relevé haut la main dans le sens où, malgré un comportement monstrueux, elle ressemble à une extension malsaine de chacun d'entre nous, par son obsession, certes maladive, à vouloir exister et à capter l'attention (voir les réseaux sociaux qui en sont une preuve absolue). Le film s'en prend à peu près à tout ce qui bouge : le couple, la famille, l'art, la publicité, les médias, etc, dans une société où la laideur peut devenir une forme perverse et condescendante de beauté à vendre,en suscitant un émoi suspect et voyeur. Virtuose sur le plan de la mise en scène, Sick of Myself joue également avec une certaine dextérité sur la réalité et les fantasmes. Au centre de l'attention, la comédienne Kristine Kujath Thorp, déjà excellente dans Ninjababy, livre une prestation XXL. Mais il ne faudrait quand même pas qu'elle devienne une spécialiste des rôles hors normes, de par leur aspect excentrique et excessif.

 

Metronom, Alexandru Belc, sortie le 4 janvier

Roumanie 1972, Nicolae Ceaușescu règne en maître et la Securitate veille au grain, un œil sur la jeunesse rebelle, qui écoute en cachette, l'insolente, l'émission Metronom sur Radio Free Europe. qui diffuse Hendrix, les Doors et toutes ces musiques décadentes. Le film d'Alexandru Belc décortique un système qui espionne, harcèle et incite à la délation. Metronom est un peu long à démarrer mais c'est pour mieux installer une atmosphère pesante aux cinquante nuances de gris. Passée la bascule du milieu du film, celui-ci devient passionnant et âpre, avec une mise en scène qui joue la sobriété et choisit la subtilité plutôt que la démonstration pure et dure. C'est aussi, en parallèle, une œuvre intime qui raconte une histoire d'amour adolescente pervertie par l'air délétère du temps. Choisir l'angle de la jeunesse pour raconter la Roumanie de l'époque est une excellente option parce qu'elle touche à cet âge de tous les possibles, a priori synonyme de liberté, d'apprentissage et d'espoir, concassés par un régime qui ne pense qu'à protéger ses valeurs, marquées par l'isolement, la corruption et la xénophobie de l'occident. Metronom est peut-être d'une austérité excessive mais il persuade de sa pertinence et de sa profondeur douloureuse sur la longueur. Dans le rôle principal, l'actrice Mara Burgarin est remarquable, toute en obstination et en résistance, jusqu'à risquer sa propre sécurité et celle de ses proches.

 



09/11/2022
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