Ici, c'est Montpellier (3)
Meat de Dimitris Nakos
Bien que relativement peu éloignée d'Athènes, la presqu'île sur laquelle se déroule Meat est habitée par une communauté villageoise où tout le monde se connaît et s'affronte éventuellement pour des histoires de propriété. C'est dans ce contexte, presque consanguin, que se déroule le premier long-métrage de Dimitris Nakos, une véritable tragédie grecque moderne en plusieurs épisodes. Meat se nourrit d'une tension permanente, accentuée par de nombreuses et haletantes scènes filmées à l'épaule et une musique aux accents folkloriques mais paradoxalement inquiétante. Le film évoque les thèmes du patriarcat, de la manipulation, de la responsabilité et de la cupidité dans un isolement rural asphyxiant, propice à l'irruption de la violence. Chaque personnage de ce théâtre cruel, où les trahisons ne manquent pas, est caractérisé parfaitement et remarquablement incarné par des comédiens qui collent même physiquement à leur rôle. Il n'y a quasiment pas de moments de pause dans un récit habilement mené qui va crescendo dans le stress, au point de nous faire se sentir plus que spectateur et presque partie prenante, dans une succession d'actes et de décisions qui ne peuvent être que fatals. Cette œuvre au noir séduit par son intelligence et son rythme. Mêmes les végétariens n'ont pas de raison de s'abstenir.
Vers un pays inconnu de Mahdi Fleifel
Vers un pays inconnu, le deuxième long-métrage de Mahdi Fleifel, ne traite pas directement de la situation en Palestine, choisissant d'évoquer le sort de deux de ses ressortissants, des cousins, bloqués pour un temps à Athènes, dans l'attente de partir pour l'Allemagne. La première partie du film joue avec efficacité la carte du réalisme social, posant la question de la fin justifiant ou non les moyens, puisque les exilés sont prêts à tout, au-delà de la légalité, pour financer leur futur voyage. Changement de ton et surtout de rythme dans la deuxième partie de Vers un pays inconnu qui s'oriente alors vers le thriller. Le cinéaste ne perd pas son savoir-faire pour autant mais le film devient davantage passe-partout en dépit de ses enjeux vitaux. Il serait excessif de parler de déception au regard des dernières minutes du film mais ce qui faisait son originalité, et sans aucun doute son authenticité, a tendance à disparaître progressivement. Que cela n'empêche pas de souligner l'excellence de l'interprétation; notamment du tandem constitué par Mahmood Bakri et Aram Sabbah, qui incarnent avec une grande subtilité des personnages qui sont tout sauf manichéens.
La mer au loin de Saïd Hamich Benlarbi
Tous ses spectateurs ne la percevront peut-être pas mais il y a quelque chose de l'ordre de la grâce dans La mer au loin, le deuxième long-métrage du franco-marocain Saïd Hamich Benlarbi. Le film aurait pu s'intituler le pays au loin car il y est question d'exil, d'un jeune marocain, et de son existence (assimilation ?) durant les années 90. Une plongée dans la communauté maghrébine de Marseille dont le spectre s'élargit au fur et à mesure, au gré des rencontres du héros, avec des personnages peu conventionnels, qui donnent un vrai plus, en termes de fantaisie, dans un récit par ailleurs mélancolique et d'un romanesque en apparence tranquille mais agité, sous la surface, par tous les sentiments humains. Cette chronique séduisante est particulièrement réussie dans ses scènes de groupe, en voiture ou en famille, par exemple. S'y ajoutent de nombreux morceaux de Raï, qui font de la musique un personnage à part entière. Face à un sobre et émouvant Ayoub Gretaa, quel bonheur de retrouver la classe folle d'Anna Mouglalis et la singularité de Grégoire Colin. La mer au loin est un beau film, plus en douceur qu'en arêtes vives, dont chaque moment est empreint d'une exaltante humanité. Et ce n'est pas rien..
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