Sous les étoiles de Gindou (1)
Un village de 314 habitants et plus de 10 000 entrées pour ses rencontres cinématographiques : ça, c'est Gindou, quelque part dans le Lot. Convivialité garantie et de belles séances à déguster en plein air, sous le ciel étoilé. Que demander de plus ?
L'angle mort de Patrick-Mario Bernard et Pierre Trevidic, sortie le 16 octobre
Qui n'a pas rêvé de devenir invisible, ne serait-ce qu'un moment, et de devenir observateur du monde en toute sérénité, ou voyeur, pour les esprits les plus mal orientés. Mais si le prix à payer est une intense souffrance, comme dans le cas du héros de L'angle mort, non merci bien. Drôle de film d'ailleurs que celui-ci, assez insaisissable, comme l'homme invisible dont le mal-être est palpable et rejaillit sur l'ensemble d'un long-métrage imprévisible qui semble se situer en bordure de la fin du monde. Les réalisateurs, Pierre Trividic et Patrick-Mario Bernard, refusent absolument de se livrer aux spectaculaires et classiques apparitions/disparitions qui sont l'apanage du sujet qu'ils traitent. C'est bien et original mais guère gratifiant sur la longueur dans une tentative fantastico-poétique qui devient languissante, faute de mettre les points sur les i, réellement, et de parler plus clairement du racisme puisqu'il s'agit du thème caché. Même en étant sensible au climat étrange qui se dégage de L'angle mort, on a un peu de mal à se passionner pour une histoire qui fait de temps en temps appel à la voix off de son personnage principal ou suit brièvement d'autres protagonistes sans beaucoup de conviction. Le côté brouillon et assez confus du récit est par certains côtés sympathique mais débouche sur une vague frustration tant certains aspects prometteurs sont en fin de compte négligés (les faux suicides). Peut-être aurait-il fallu injecter un peu plus de comédie dans ce drame de l'homme invisible pour élargir un angle trop aigu ?
Papicha de Mounia Maddour, sortie le 9 octobre
Papicha : à Alger, jeune femme drôle, jolie et libérée. Comme l'héroïne du premier long-métrage de Mounia Meddour, et aussi courageuse (inconsciente ?), obstinée et fragile. Dans la décennie noire de l'Algérie (150 000 morts dans les années 90), ce genre de caractéristiques vous exposait à un véritable danger de mort alors que l'intégrisme religieux et l'obscurantisme faisait d'elles des cibles idéales. Papicha est un film puissant et candide à la fois, impressionnant dans les scènes de violence, viscéral et attaché à une esthétique qui frôle parfois le maniérisme. Mais la force de conviction de la mise en scène emporte tout sur son passage, alternant la comédie (dialogues irrésistibles en "françarabe") et la tragédie sans transition et ménageant des ellipses brutales mais pertinentes. Cette Papicha est avant tout fière d'être algérienne et entend transcrire ses rêves dans la réalité en dépit d'un contexte délétère, elle est sans doute en partie d'essence autobiographique pour la réalisatrice qui l'érige aussi en symbole des femmes algériennes qui ont choisi de ne pas se soumettre. Le message, 20 ans après, conserve toute son acuité dans une société toujours patriarcale et où sévit une grave crise économique et sociale. Lyna Khoudri, l'actrice qui incarne la Papicha du film, est époustouflante. La tornade émotionnelle qu'elle subit est captée avec sensibilité et subtilité par sa réalisatrice, qui révèle d'emblée un talent au moins égal à celui de ses consoeurs cinéastes du Maghreb, comme la tunisienne Kaouther Ben Hania (La belle et la meute) ou la marocaine Meryem Benm'barek (Sofia).
Ceux qui travaillent d'Antoine Russbach, sortie le 25 septembre
Les principales compagnies de fret maritime sont basées à Genève. Très loin des mers et océans où les cargos évoluent, contribuant à la bonne marche de nos sociétés de consommation mondialisées. Le héros de Ceux qui travaillent, premier long-métrage du genevois Antoine Russbach, n'est qu'un rouage de cette mécanique bien huilée, dans son bureau climatisé, mais il a son importance et une erreur de sa part représente un coût substantiel pour l'entreprise qui l'emploie. Et justement, il la commet et se retrouve sans travail. Le film pourrait être alors une variation de la célèbre affaire Jean-Claude Romand mais l'ambition du réalisateur est toute autre et ne se limite pas à un cas individuel même s'il est au centre d'un l'écosystème que Ceux qui travaillent entreprend d'illustrer d'une manière aussi réaliste qu'intelligente, sans dramatisation (absence de musique) et avec beaucoup de silences que le spectateur a l'obligation de charger de sens. C'est notre propre rapport à la consommation et à la "réussite" professionnelle et familiale que le cinéaste interroge de manière insidieuse, presque sournoise, tant l'ambigüité règne en maître à commencer justement par ce personnage principal dont il est impossible de deviner les pensées les plus profondes. Tout juste comprend-on qu'il est le produit d'un système (nous le sommes tous) et qu'il n'est bon ni méchant, bien au contraire. Olivier Gourmet, admirable, a su lui donner ce caractère équivoque qui nous le montre autant coupable que victime de l'aliénation qu'il a lui-même contribué à édifier.
A découvrir aussi
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 50 autres membres