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Le Cinemed s'est lancé en beauté avec L’immensità d'Emanuele Crialese. Deux films français à voir ensuite.
L’immensità, Emanuele Crialese, sortie le 11 janvier
Si Emanuele Crialese a mis autant de temps pour écrire et tourner L’immensità (Terraferma, son avant-dernier long-métrage, datait de 2011), c'est sans doute parce que le film témoigne de puissantes résonances autobiographiques le concernant. Situé dans les années 70, au cœur de nouveaux quartiers romains, le récit se distingue par son atmosphère davantage que pour de véritables événements dramatiques. Il n'en est pas moins riche de nombreux thèmes (recherche d'identité adolescente, amour maternel, violence conjugale, dépression ...) non pas traités de manière lourde mais avec une réelle subtilité, en les entremêlant, à travers le regard d'une jeune fille qui se sent garçon. Le climat pesant qui règne au quotidien dans cette famille bourgeoise italienne typique de son époque est en effet rehaussé par le choix de couleurs vives, avec une mise en scène pleine de grâce et des intermèdes musicaux délicieux et gorgés de fantaisie (se souvenir que Rumore de Raffaella Carrà est une tuerie). Les deux personnages principaux (fille et mère) sont magnifiquement écrits et sublimement interprétés par Luana Giuliani (touchante) et Penélope Cruz (éblouissante, y compris dans les scènes de danse et de transe). Le rôle de cette dernière, d'ailleurs, de par sa densité et dans sa fragilité bouleversante, rappelle une autre mère inoubliable, celle qui était au cœur du merveilleux Fais de beaux rêves de Marco Bellocchio.
Pour la France, Rachid Hami, sortie le 15 février
Le deuxième long-métrage de Rachid Hami, dédié à son frère, raconte une histoire très douloureuse pour le réalisateur, celle de l'acceptation d'une mort accidentelle et évitable et de la recherche des responsables de cette tragédie, au sein de l'académie militaire de Saint-Cyr. Ce titre de "Pour la France" se comprend aussi bien au premier degré, eu égard à la destinée du défunt, que de manière atrocement ironique, rejoignant ainsi une complexité et une ampleur certaines de par le récit d'un itinéraire familial qui débute en Algérie, dans les années 90. S'il revient sans cesse au deuil présent, le film plonge à de nombreuses reprises dans des flashbacks qui explicitent, entre autres, l'évolution de la relation entre deux frères aux trajectoires diamétralement opposées, entre le méritant et le raté (si l'on simplifie grossièrement). Fratrie et patrie sont les deux mamelles de Pour la France dont on apprécie les nuances pour parler de sujets très actuels, à commencer par ceux de l'intégration à une nouvelle culture ou du patriarcat. La forme est très classique, cela peut représenter une légère frustration, et les allers et retours entre les époques auraient pu être réduits ou davantage fluides mais l'on retient tout de même la dignité et la sensibilité à fleur de peau de l'ensemble et, surtout, la qualité de l'interprétation de Karim Leklou et de Shaïn Boumedine dont les scènes communes sont les plus touchantes, sans oublier la présence toujours marquante de la magnifique Lubna Azabal.
Couleurs de l'incendie, Clovis Cornillac, sortie le 9 novembre
La question se pose : où sont passées les vives Couleurs de l'incendie, le roman de Pierre Lemaitre, dans son adaptation au cinéma, avec scénario et dialogues de l'auteur lui-même ? Entre les mains de Clovis Cornillac, le récit a perdu de sa flamboyance, devenant presque fade, avec pour seule réussite majeure celle de la reconstitution d'une époque, à savoir les années 30, entre dépression économique et montée des périls. Le film ne peut décemment pas échapper à une double comparaison : à celle de Au revoir là-haut, premier tome de la saga de Lemaitre, magistralement réinventé par Albert Dupontel et à celle du second épisode lui-même, côté littéraire, mélange détonant de tragique, de suspense et de comédie noire. Il reste quoi du livre, en définitive ? Son squelette narratif, soit la vengeance d'une femme contre l'engeance qui l'a trahie et ruinée, et presque rien d'autre. Léa Drucker est irréprochable, de même que Alice Isaaz et Fanny Ardant, dans des rôles plus secondaires, mais du côté de l'interprétation masculine, Benoît Poelvoorde et Olivier Gourmet sont dans l'obligation d'en faire des tonnes pour coller à des personnages de plus en plus grotesques au fil des minutes. Il est triste de voir à quel point la mise en scène scolaire et sans invention de Couleurs de l'incendie, qui commençait pourtant par une scène spectaculaire et dramatique en diable, plombe l'ensemble d'un film dont les rebondissements ne semblent plus répondre à autre chose qu'à une mécanique dont l'âme; la densité et le mélange de tendresse et de cruauté semblent s'être évaporés. Rien à voir, ou presque, avec le roman, savoureux et addictif.
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