Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Ici, c'est Arras (8)

 

Raw Material de Martin Boross

Raw Material commence de manière presque insouciante quand un trio débarque de Budapest pour animer

un atelier créatif vidéo, à destination d'adolescents, dans un petit village du fin fond de la Hongrie, dont la

principale particularité est la culture du concombre. Rien ne va se passer comme prévu et les visiteurs vont

notamment découvrir comment le maire dirige le bourg d'une poigne de fer, tandis qu'une partie de la

population, les Roms, sont méprisés et discriminés. C'est une sorte de mise abyme pour le réalisateur,

Martin Boross, dont c'est le premier long métrage et l'on peut aussi se demander si le message véhiculé ne

vise pas l'entièreté d'un pays dont on connaît la direction prise sous la houlette de son président.

Malheureusement, le film n'atteint pas vraiment sa cible, d'abord à cause de son côté foutraque et ensuite

du manque d'attachement à ses personnages, dans une satire qui s'étire et ne convainc pas, par une

utilisation trop prudente de l'absurde, par exemple, même si un concombre est envoyé dans l'espace. La

réflexion sur la signification de l'art et des images est quant à elle davantage proche de l'ébauche.

 

Leurs enfants après eux de Ludovic et Zoran Boukherma

Si la logique existe, il n'y a aucune raison que Leurs enfants après eux ne connaisse pas un succès comparable à L'amour ouf, tellement on peut y déceler des points communs : la durée, l'aspect social, un amour contrarié, les ellipses temporelles, sans parler de Gilles Lellouche, lequel, pas à la réalisation mais dans un second rôle poignant surpasse largement les autres interprètes du film, bien que Ludivine Sagnier, Angela Woreth et Sayyide El Alami, entre autres, soient des plus convaincants (un bémol pour Paul Kircher, au jeu inégal). Pour les cinéastes, Ludovic et Zoran Boukherma, c'est évidemment un sacré virage, eux qui avaient réussi leurs premiers films de genre, mais leur maîtrise du romanesque n'est finalement pas une surprise. Du livre éponyme de Nicolas Mathieu, Goncourt 2018; on pouvait lire ceci, en quatrième de couverture : "Nicolas Mathieu écrit le roman d’une vallée, d’une époque, de l’adolescence, le récit politique d’une jeunesse qui doit trouver sa voie dans un monde qui meurt. Quatre étés, quatre moments des années 90 pour raconter des vies à toute vitesse dans cette France de l’entre-deux." Dans son adaptation plus que fidèle, le film respecte la trame et le décor de l'ouvrage et même si le style de l'auteur ne se retrouve pas vraiment à l'écran, les deux frères réalisateurs inventent leur équivalent, dans une mise en scène sobre mais parfois éruptive, dans une mélancolie prégnante et une B.O très présente (trop ?), capable du plus grand écart, d'Aerosmith à Cabrel. C'est sur la longueur que Leurs enfants après eux gagne son pari de fresque habitée, avec les désillusions qui priment, dans cette vallée de larmes.

 

Brûle le sang de Akaki Popkhadze

Quand Akaki Popkhaze déclare que son film Brûle le sang "déborde d’une masculinité toxique", personne n'osera prétendre le contraire tellement tout y est brutal, viril et radical. Avec un avis de sale temps sur la Côte d'Azur, en commençant par l'assassinat d'un membre estimé de la communauté géorgienne à Nice. La suite sera placée sous le signe de la vengeance et guère atténuée par les tempéraments plus ou moins belliqueux des différents protagonistes. Nous voici proche du film de gangsters à l'ancienne, avec un sens de la famille aiguisé et quasi aucun personnage de femme à l'horizon, si ce n'est une mère consolatrice mais impuissante devant la bestialité des hommes. Mis à part une succession quasi ininterrompue de scènes d'action, il n'y a malheureusement pas vraiment autre chose à picorer dans Brûle le sang, dont aucun personnage n'est réellement approfondi, alors qu'il y avait matière pour. Entre un Nicolas Duvauchelle habité et un Finnegan Oldfield halluciné, Denis Lavant semble le plus sage d'entre tous, ce qui est sans doute la plus grande surprise du long métrage. En montrer un peu plus de la famille géorgienne qui est au centre du récit aurait permis de tromper l'ennui entre deux fusillades mais ce n'est que rarement le cas, hélas.

 

 



15/11/2024
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