Ici, c'est Arras (8)
Tout pour la compétition européenne : les films viennent de Slovaquie, de Hongrie et de Belgique.
Victim (Obet), Michal Blaško
Le premier long-métrage du Slovaque Michal Blaško se déroule dans une petite ville de la République Tchèque mais il pourrait se passer à peu près partout, là où les relents de nationalisme et donc de xénophobie ont de plus en plus pignon sur rue. Au départ du film, une agression d'un garçon ukrainien perpétrée possiblement par des membres de la communauté rom. Et un mensonge qui va avoir des conséquences, dans un enchaînement de situations incontrôlables, récupérées par l'opinion publique et la sphère politique. Pour montrer l'air vicié du temps et la montée des intolérances, le réalisateur tisse une toile qui enferme les deux personnages principaux, une mère ukrainienne en attente de régularisation et son fils molesté, à partir du moment où il leur faut choisir une voie dont ils pourront tirer profit mais qui n'est pas nécessairement conforme à leurs propre morale. Victim ne s'impose pas comme une thèse sur la dérive des sociétés occidentales mais comme un récit riche en ambigüités où une décision peut changer des destins individuels et susciter une agitation collective. Michal Blaško, qui s'est fait la main sur plusieurs courts-métrages, très remarqués, et sur de nombreux épisodes de séries télévisées, maîtrise à la perfection la tension et le rythme de ce thriller psychologique et sociétal qui confronte chacun à ses propres valeurs et contradictions.
Six Weeks (Hat hét), Noémi Veronika Szakonyi
Zsófi est une jeune fille hongroise d'aujourd'hui, confrontée à une grossesse non désirée, athlète de haut niveau aux grandes ambitions. Si son enfant est adopté à la naissance, elle n'a ensuite que six semaines à sa disposition pour se rétracter. Presque toujours à l'image, avec un air buté dont elle ne se départit jamais, Zsófi laisse peu à peu le doute s'installer dans sa tête, comme c'était prévisible. Pas plus surprenants sont les choix narratifs de la cinéaste, Noémi Veronika Szakonyi. La mère célibataire de la jeune femme enceinte est irresponsable et boit plus que de raison, incapable d'assurer l'essentiel dans un foyer où vit également une fille cadette ; les hommes sont soit absents, soit minables ; le couple qui cherche à adopter est bon chic bon genre, etc. On est au bord des clichés en permanence, voire en plein dedans, et les situations sont elles-aussi attendues, y compris dans la concurrence qui s'installe dans le club sportif de Zsófi, du fait de son absence avant l'accouchement. Tout cela n'a pas été montré déjà précisément mais a tout de même un sérieux air de déjà vu, notamment dans des films de l'Europe de l'Est. Mais l'élément le plus prégnant du film est le peu d'empathie accordée à son héroïne car même sans émettre un véritable jugement sur ses actes et ses décisions, elle apparait continuellement comme un petit soldat individualiste qui ne peut que susciter une certaine forme d'indifférence, et même de rejet, alors qu'elle devrait capter toute notre compréhension et susciter de l'émotion.
Nowhere, Peter Monsaert
Nowhere, c'est la rencontre entre un jeune garçon pas encore majeur avec un type de 55 ans, en pays flamand. Deux vies cassées pour des raisons diverses et rien qui puisse les réunir a priori, à moins que le destin s'en mêle (s'emmêle) et les lie, chacun dans une quête existentielle. Le film de Peter Monsaert n'a rien d'original sur le fond mais c'est un peu un Buddy Movie, un peu un Road Movie et un peu un Feel Good Movie, en définitive. Un long-métrage qui parle de précarité, financière mais aussi émotionnelle, et qui démontre que parfois, à deux, l'on est plus fort pour domestiquer ses démons intérieurs et aller au bout de son chemin de résilience. On les connait par cœur ces scénarios où les personnages principaux traînent derrière eux un passé lourd comme des chaînes de galériens mais le film transcende, par son humanité et sa vitalité, les poncifs du genre. Il le doit aussi à des interprétations de premier ordre, celles de Koen de Bouw et de Noa Tambwe Kabati. Sur la fin, le film a tendance à ouvrir grand les vannes afin d'activer les glandes lacrymales mais comment lui reprocher, eu égard aux traumatismes qu'ont subis ses deux héros ? C'est le petit miracle d'un long-métrage qui nous plonge dans de grandes nuances de gris, sans jamais céder au noir le plus complet, avec de belles trouées de lumière où l'empathie et l'amitié se fraient un passage, malgré tous les obstacles.
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 51 autres membres