Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Ici, c'est Arras (2)

 

Espagne (Jaime Rosales), Allemagne et France. Un menu équilibré.

 

Les tournesols sauvages (Girasoles silvestres), Jaime Rosales

Jaime Rosales est le roi de l'ellipse temporelle. Nul autre que lui, parmi les cinéastes contemporains, ne sait aussi bien "sauter" d'un moment à un autre, plus ou moins éloigné dans le temps, avec une vraie dextérité, parfois pour le meilleur (La soledad) ou malheureusement pour le pire (Petra) quand il lui prend l'envie de justifier sa réputation radicale en matière d'expérimentation. Girasoles silvestres est beaucoup plus accessible que plusieurs de ses derniers longs-métrages, il a même quelque chose de banal dans son portrait en trois étapes de sa jeune héroïne, déjà mère de deux bambins, et à la recherche du grand amour, à moins que ce ne soit plus prosaïquement d'un père pour ses enfants. Sa propension à toujours faire les mauvais choix, en matière d'hommes, laisse présager un pessimisme de fond, surtout que la précarité financière est aussi de mise, mais Rosales réalise un film plutôt vif, avec une femme qui se prend en main et fait montre d'un véritable caractère face aux violences ou à la lâcheté de ses compagnons respectifs. Un long-métrage sous forme de camaïeu sentimental, assez réussi malgré un rythme fort inégal, et parfois très lâche, mais rehaussé par l'interprétation stimulante et touchante de la toute nouvelle pépite du cinéma espagnol, Anna Castillo. L'actrice de 29 ans, née à Barcelone, a le profil idoine pour figurer en vedette dans un prochain Almodovar.

 

La Conférence (Die Wannseekonferenz), Matti Geschonneck

En janvier 1942, organisée par Heydrich, la conférence de Wannsee, à Berlin, réunit les principaux responsables des SS, plusieurs membres du parti nazi et ministres du gouvernement allemand, pour mettre au point l'organisation de "la solution finale de la question juive". A un moment, l'un des participants évoque sans ciller sa prochaine réunion, qui aura pour objectif la restructuration de la poste allemande. Mettre ce rendez-vous au même plan que la conférence de Wannsee témoigne, s'il en était besoin, de l'implacable inhumanité des dirigeants du 3e Reich, lancés dans un génocide décomplexé qui dépasse l'entendement de tout citoyen doté de raison, avec pour principales préoccupations la logistique et la faisabilité des opérations d'extermination . Basé sur les notes prises lors de cette sinistre conférence, le film réussit sans mal à montrer la banalisation de l'horreur, en installant un climat glaçant dans lequel les voix de Heydrich et d'Eichmann sont celles qui portent le plus. Parfait pour engager une discussion pédagogique après sa projection, La Conférence se révèle malheureusement d'une pauvreté totale en matière de cinématographie. Si l'on n'attendait pas une mise en scène pyrotechnique autour d'un tel sujet, la moindre des choses était de faire montre d'un peu originalité plutôt que de nous servir à la louche de longs tunnels de dialogues et des gros plans systématiques, sans s'accorder, ou peu s'en faut, le moindre espace de respiration.

 

Reste un peu, Gad Elmaleh, sortie le 16 novembre

Peut-on apprécier Reste un peu si l'on n'a pas d'accointance particulière avec Gad Elmaleh ? Oui, et encore davantage si le personnage public d'amuseur indiffère, peu ou prou. Le film est une autofiction mais il est indubitablement sincère sur des éléments privés concernant l'homme et son rapport intime à la religion, en tant que Juif tombé amoureux de Marie durant son enfance à Casablanca et désormais tenté de devenir catholique. Une véritable crise de foi, aux répercussions nécessairement complexes à expliquer en famille. Sans se départir d'un humour qui touche parfois au burlesque, Gad Elmaleh fait jouer ses propres parents dans son film (et d'autres personnes liées à sa possible conversion) et ceux-ci en sont les véritables vedettes, de par leur caractère inflammable et leur naturel épatant. Reste un peu est un film spirituel dans tous les sens du terme, belle déclaration d'amour à la Vierge, à la communauté juive et à une famille aimante mais inquiète d'un parcours de vie du fils prodigue. Cette œuvre très personnelle possède des caractéristiques de recherche d'identité qui ne peuvent laisser personne indifférent, quelles que soient ses propres (in)croyances, à partir du moment où le film est loin de tout prêchi-prêcha et ouvert en revanche à tous les vents de la réflexion et du choix de vie. En l'occurrence, In Gad we trust !

 

 



06/11/2022
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