Ici, c'est Arras (12)
Le dossier Maldoror de Fabrice du Welz
Le malaise est une constante des films de Fabrice du Welz et il atteint une sorte d'acmé dans Le dossier Maldoror (qu'en aurait pensé Lautréamont ?) qui évoque de manière très peu confortable une affaire qui a traumatisé la Belgique : l'affaire Dutroux, pour ne pas la nommer. Le film n'est pas centré sur la personnalité du monstre mais sur celui d'un policier (fictif) qui représente une sorte de conscience de même que le fantasme d'un homme qui avait tout compris avant tout le monde.et devient justicier solitaire. L’ambiguïté du métrage vient du mélange du faux et de l'avéré, dans un maelström de scènes, certaines à la limite du crapoteux, qui montrent la virtuosité du cinéaste mais aussi un certain goût pour une forme de perversité dont on est en droit de se demander quelles sont les véritables visées. L'une d'entre elles, évidente, est de faire état de la concurrence entre les trois corps policiers qui ont participé, peu ou prou, à l'enquête, tout en la ralentissant. Au-delà de l'affaire elle-même et de ses mises en cause jusqu'à des individus haut placés, le film s'intéresse particulièrement au caractère obsessionnel qu'il peut revêtir, dans le cas d'un flic intègre mais capable de passer outre les limites de sa fonction. Dans ce rôle; Anthony Bajon est époustouflant, phagocytant le film et laissant des miettes à des acteurs sous-employés et parfois moyennement crédibles dans leurs personnages, à l'instar de Sergi Lopez, Laurent Lucas ou Béatrice Dalle. Reste au final une œuvre puissante, trouble et équivoque, au sein d'une histoire bien glauque.
Marco, l'énigme d'une vie de Aitor Arregi et Jon Garano
L'affaire Enric Marco avait déjà fait l'objet d'un roman très documenté de Javier Cercas, paru en France en 2015, sous le titre de L'Imposteur. Un sujet sur lequel planchent depuis un certain temps les cinéastes espagnols Aitor Arregi et Jon Garaño, avec pour première idée d'en faire un documentaire, projet qui n'a finalement pas abouti. Et c'est donc sous la forme d'une fiction qu'ils l'ont repris, avec Eduard Fernández dans le rôle principal, absolument remarquable. Le film suit cette grande imposture, celle d'un homme, président de l'association des déportés espagnols, sans avoir jamais été interné dans un camp de concentration, à partir du moment où ses mensonges sont proches d'être découverts. Avec quelques courts flashbacks, qui résument parfaitement le cheminement de ce mystificateur qui ne craignait pas de se regarder dans un miroir, sans éprouver le moindre remords. Le film retranscrit parfaitement le pouvoir de conviction de l'affabulateur et son éthique pathétique mais réussit également à en faire un individu qu'on ne peut totalement vouer aux gémonies, eu égard au bien qu'il a fait, paradoxalement, pour les vrais déportés espagnols, ignorés pendant longtemps dans leur pays, même après la fin de Franco. Avec sa mise en scène sobre et efficace, Marco, l'énigme d'une vie est une bénédiction pour tous ceux que les méandres de l'âme humaine passionnent.
Year of the widow de Veronika Lišková
La cinéaste tchèque Veronika Lišková vient du monde du documentaire et son premier long-métrage de fiction, Year of the Widow, s'en rapproche beaucoup, puisque inspiré des chroniques écrites dans un magazine par une veuve quadragénaire. Le film décrit donc, durant 4 saisons, les changements dans la vie de cette femme en deuil, que cela soit au sein de sa famille proche, avec les réactions contrastées selon les générations (fille, grands-parents) et le dédale administratif dans lequel la désormais veuve doit se débattre. Il y a beaucoup de pudeur dans le traitement de cette histoire mais aussi des faits plutôt insignifiants qui ne sont jamais banals pour celle qui les vit. Mais sur l'écran, via une mise en scène sans relief, le film n'a pas suffisamment d'épaisseur pour émouvoir ou simplement convaincre. On attend plus des relations entre la mère et la fille, notamment, qui n'ont quasiment aucune conversation de plus de 10 mots à partager. Visiblement, beaucoup de personnes, en Tchéquie, se sont reconnues ou ont été touchées par l'existence au quotidien de cette femme à travers ses écrits. Peut-être qu'il manque au film un véritable style pour nous faire partager avec davantage d'émoi les différentes phases qu'elle traverse ?
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