Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Bons baisers d'Arras (4)

Petites pauses bienvenues en ce mardi ensoleillé. 3 films à mon programme : belge, estonien et français. Cool.

 

Cargo de Gilles Coulier

 

Trois frères du côté d'Ostende. Ils se ressemblent dans leur apparence avec une barbe drue qui mangent le visage. Tabagisme et bières au comptoir dans un environnement forcément sombre. Leur père est dans le coma et l'héritage doit revenir à l'un d'entre eux, le plus marin de tous. Chalut, ça va ? Pas trop, non, dans ce monde sans femmes où un enfant de 9 ans observe cette fratrie qui se déchire. Nous sommes dans un univers taiseux et ce premier film de Gilles Coulier ne facilite pas la tâche du spectateur avec son scénario rempli de non dits. Noir c'est noir, et il n'y a pas beaucoup d'espoir. Aucune trace d'humour dans Cargo, des interprétations solides, celle du grand Wim Willaert, en particulier, mais comme un air de déjà vu si ce n'est dans l'intrigue, du moins dans l'environnement décrit et dans le comportement de ces hommes frustes qui trimballent leur dépression autour du cou. Le film manque de profondeur, les scènes sont trop courtes, et d'informations et ce n'est pas le dénouement, confus, qui permet de s'y retrouver.

 

The Little Comrade de Moonika Siimets

 

The Little Comrade s'inspire des souvenirs d'une fillette dans l'Estonie des années 50, qu'elle a raconté plus tard dans deux livres. Une enfance marquée par l'arrestation de sa mère et sa déportation, que la petite fille croit être due au fait qu'elle n'a pas été suffisamment gentille avec elle. Le premier film de la cinéaste estonienne Moonika Siimets est résolument à hauteur d'enfant et les scènes entre adultes sont toujours épiées par la fillette qui les entend sans tout comprendre des enjeux. Il faut accepter cette sorte de naïveté intrinsèque à The Little Comrade, qui atténue les drames qui se jouent en pleine période staliniste, sans pour autant les édulcorer, montrant que le nationalisme estonien reste encore vivace peu de temps après la guerre et l'esprit de résistance toujours présent même s'il se heurte aux méthodes répressives de l'occupant soviétique. C'est ce qu'on appelle un joli film, sans que cela soit péjoratif, mis en scène avec un vrai talent et un sens esthétique très sûr.

 

Amanda de Mikhaël Hers

 

Ce sentiment du deuil. Le sujet avait déjà été traité par Mikhaël Hers mais dans Amanda, il l'aborde de façon plus frontale, émotionnellement parlant. Tout en gardant cette délicatesse et cette subtilité qui en font un cinéaste rare qui ne va jamais au plus "facile". Ainsi, il ne filme pas la violence en action dans Amanda pas plus qu'une scène aussi évidente que celle de l'enterrement. Ce qui l'intéresse c'est la vie qui se poursuit et la façon dont la douleur se maîtrise, seul(e) ou en partage. Ce qui frappe aussi dans le troisième long-métrage de Hers, c'est la manière amoureuse qu'il a de montrer Paris, une ville qui semble avoir perdu son innocence et sa légèreté après les attentats. Les lieux ont beaucoup d'importance pour le cinéaste, les parcs, en particulier, comme une respiration dans un film où la caméra est souvent très proche des visages des comédiens, au plus près de leur intimité. Avec une mise en scène qui est aussi brillante et pudique que dans Ce sentiment de l'été : radieuse, élégante, fluide, résiliente, en quelque sorte, avant et après la tragédie. Mais ce qui est nouveau dans Amanda, par rapport aux précédents films de Mikhaël Hers, c'est bien cette envie de susciter l'émotion de façon plus nette, sans faux semblants : on verse des larmes dans le film, comme devant l'écran et ce n'est jamais du sentimentalisme forcé mais bien la résultante d'une sensibilité pure. Il y a également ce sentiment étrange et étonnant d'être à la fois à distance et au coeur du chagrin des personnages principaux du film. Et en empathie total avec des acteurs dirigés de main de maître par le cinéaste. Vincent Lacoste prouve cette fois encore qu'il peut tout jouer, avec cette fausse nonchalance qui le caractérise, et sa connivence avec l'extraordinaire fillette qui lui fait face, Isaure Multrier, est pour beaucoup dans la réussite d'Amanda, l'un des plus beaux films de cette année, haut la main.

 



06/11/2018
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