Ici, c'est Angoulême (4)
Rabia de Mareike Engelhardt
8 ans ont été nécessaires à Mareike Engelhardt pour que son projet, Rabia, voit le jour et soit proposé à un public qui va prendre le choc de plein fouet. Pendant des années, la réalisatrice a rencontré des filles revenues de Raqqa, en Syrie, et accumulé les témoignages. Le film n'est pas un documentaire mais se veut au plus proche de la réalité de cette "maison" qui a accueilli des jeunes filles venues du monde entier, embrigadées, et destinées à devenir des épouses de djihadistes. Le tout sous la gouvernance d'une "Madame", maîtresse constitutive des couples appelés à devenir parents d'une nouvelle génération de combattants. Ce sera à chaque spectateur de se faire sa propre religion, si l'on ose dire, du cheminement de ces jeunes occidentales, à l'image de Jessica, l'héroïne française de Rabia. Un parcours qui laisse pantois et presque incrédule, imposant de nombreuses questions auxquelles il est impossible de répondre. Rabia est moins violent physiquement que psychologiquement mais il vaut mieux s'y préparer en amont pour ne pas trop accuser le coup. La mise en scène de Mareike Engelhardt est quant à elle d'une grande justesse, sans excès aucun. Le film est rendu plus puissant encore avec les interprétations de Meghan Northam et de Lubna Azabal, complètement investies.
Le système Victoria de Sylvain Desclous
Balibar/Bonnard : l'alliance de deux caractères, a priori dissemblables, la sophistiquée contre le fruste, pour être rapide, sert parfaitement le propos du Système Victoria, une adaptation subtile du roman de Éric Reinhardt. Le film décrit avec précision la pression énorme reposant sur les épaules d'un directeur des travaux d'une grande tour en construction, avec des délais impossibles à tenir et un management à adapter, entre la carotte et le bâton. Mais Le système Victoria est aussi l'histoire d'une relation étrange, dont on ne connaîtra jamais tous les tenants et les aboutissants, entre une dominante et un dominé, pour faire court, là aussi. Un récit de prédation et de manipulation, pas nécessairement limpide, à la fin de la projection mais fascinant, de par les questions que le film pose sans y répondre de manière avérée. Y a t-il quelque chose de plus spectaculaire que les relations humaines, quand celles-ci reposent sur une bonne dose d'ambiguïté et de mystère ? Après la belle réussite de De grandes espérances, Sylvain Desclous montre, en tous cas, sa grande maîtrise des ambiances inquiétantes entre désir, souffrance et ambivalence, toujours dans un monde du travail se rapproche de plus en plus des principes de la chaîne alimentaire.
Mikado de Baya Kasmi
Il arrive que les noms des acteurs présents dans la distribution en disent déjà beaucoup sur la tonalité du long-métrage dans lequel ils apparaissent, presque autant que celui du ou de la cinéaste, qui les a dirigés. Dans le cas de Mikado, de Baya Kasmi, Félix Moati, Vimala Pons et Ramzy Bedia sont au générique. Faut-il attendre de la légèreté, de la poésie, de la fantaisie, voire même un brin de folie ? Pour sûr, et l'émotion sera aussi probablement au rendez-vous. Mikado raconte l'histoire d'une petite famille nomade, roulant en van, obligée de faire escale sur la route, pour un problème mécanique. L'occasion de faire une pause et, peut-être, de mettre à jour quelques frustrations ou malaise plus important. Mikado n'est pas le genre de film où il y a lieu de s'extasier sur la mise en scène ou sur l'originalité de son scénario. En revanche, l'ensemble de la distribution est au diapason d'un récit qui dispense, au fur et à mesure de sa progression, un air de gravité, dès lors que certains sujets y sont abordés. Avec pudeur, globalement, et avec des comédiens qui ne sont pas du genre à tirer la couverture à eux, les enfants y compris.
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