Retrouvailles à La Rochelle (6)
À son image de Thierry de Peretti
À son image sera dans les salles françaises deux mois avant Le Royaume de Julien Colonna. Une chance pour le film de Thierry de Peretti, tant la comparaison entre ces deux œuvres corses ne plaide pas en sa faveur. Les deux mettent une jeune femme en avant mais autant le portrait contenu dans Le Royaume est touchant et limpide malgré la complexité du rôle, autant celui de la photographe de À son image tourne au flou, le film entendant également parler d'une époque précise dans l'histoire de l'île de beauté, sans réussir à le faire clairement et de manière à susciter l'intérêt. La voix off, souvent pompeuse, n'arrange vraiment rien à l'affaire, qui semble faire preuve d'une fausse impression d'humilité, un sentiment que l'on pouvait aussi ressentir en partie devant les trois premiers longs-métrages d'un cinéaste à la réputation quelque peu surfaite (avis personnel, évidemment). Faut-il enfin préciser que l'interprétation dans À son image est plutôt fluctuante, pour le dire gentiment ? C'en est parfois embarrassant et le souci d'authenticité du réalisateur natif d'Ajaccio se heurte un peu trop souvent à ces limites, au sein d'un film dont la scène presque finale, surprend (pas en bien) par son didactisme quelque peu grotesque.
Mon gâteau préféré (Keyke mahboobe man) de Maryam Moqadam et Behtash Sanaeeha
Les coréalisateurs de Mon gâteau préféré, Maryam Moqadam et son mari Behtash Sanaeeha n'ont plus la liberté de quitter l'Iran et leur situation risque peu d'aller dans le bon sens, plus leur film sera montré dans le monde. Son thème : la rencontre inopinée de deux "jeunes gens" de 70 ans, solitaires et habitués à l'être, pourrait paraître anodin s'il n'était situé dans un pays où les plaisirs de la vie y sont en grande partie interdits, sans parler de la lamentable condition des femmes. Les deux héros du film n'ont plus beaucoup d'années à vivre et ils entendent profiter de leur affection toute fraîche en buvant du vie ou en dansant joyeusement. Il ne faut pas attendre de Mon gâteau préféré des prouesses en matière de mise en scène mais le récit, en forme de jouissance d'automne pour ses deux protagonistes, est gorgé d'humanité, de douceur et de joie de vivre et représente un hymne à la liberté, à la tendresse et à la bonne chère, dans un environnement où la simple idée du bonheur semble un péché inexpiable. Comédie ou drame, peu importe, au fond, toute œuvre cinématographique issue d'Iran semble un petit miracle, tellement la réalisation en est incroyablement périlleuse. Et devient, immédiatement, un acte de résistance audacieux contre l'effroyable police des mœurs.
Black Dog (Gou Zhen) de Guan Hu
On commence à avoir l'habitude de ces films chinois, présentés d'abord dans les grands festivals, et dont la qualité atmosphérique est souvent supérieure à un scénario ou bien nébuleux, ou trop symbolique, voire les deux, toujours dans le but de décrire une Chine nouvelle qui n'a que faire des laissés-pour-compte. Black Dog, situé dans une ville aux confins du désert de Gobi, c'est à dire presque nulle part, ne lésine pas sur l'ambiance sépulcrale, accentuée par la prolifération de chiens errants. Avec son héros quasi mutique, le film prend parfois des allures de western italien dans un décor post-apocalyptique. Cette œuvre étrange et très stylisée s'essaie parfois à l'humour mais le récit a quand même tendance à s'éparpiller avec moult effets symboliques, censé se dérouler au moment des Jeux Olympiques de 2008 dont l'ambition était d'afficher une vitrine séduisante de la Chine moderne. Inutile de préciser que le film de Guan Hu nous montre une image totalement différente et peu reluisante. Quant à l'analogie avec le brillant et hongrois White God, en matière de hordes de chiens en liberté, elle tourne plutôt au désavantage de son homologue chinois, même si les qualités visuelles de Black Dog sont indéniables.
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