Cinéphile m'était conté ...

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Carrousel de vieux films (Septembre/2)

Premier de cordée, Louis Daquin, 1944

Fils d'un guide de haute montagne, Jean doit renoncer à ses rêves car souffrant de vertiges après un accident. Célébré au moment de sa sortie pour la qualité de ses prises de vue d'ascensions, le film reste aujourd'hui tout aussi remarquable pour cet aspect ainsi que pour le portrait exaltant d'une petite communauté. Il l'est moins pour la qualité de son intrigue, parfois confuse et elliptique, et pour son interprétation très inégale, hormis pour ses seconds rôles (Bacquet, Dufilho). Après Nous les gosses, Premier de cordée est le dernier film de Louis Daquin, tourné sous l'Occupation. Réalisé sous le haut patronage du secrétariat général à la Jeunesse et aux Sports, le film sera souvent attaqué pour son idéologie, jugée trop proche des valeurs vichystes, notamment celles de la famille et de la solidarité masculine (avec une place de la femme bien définie). Un paradoxe quand on sait que Daquin était alors à la tête d'un syndicat communiste clandestin.

 

 Regain, Marcel Pagnol, 1937

En Provence, dans un village en ruines, seul demeure Panturie. Il rencontre Arsule, jeune femme délaissée et malheureuse, attachée aux pas d'un rémouleur. Bien sûr que les univers de Pagnol et de Giono étaient fort différents et que ce dernier ne pouvait se satisfaire de l'adaptation de son roman par le premier. Oublions la querelle entre les deux auteurs : il y a prescription. Le film, d'une certaine manière, mixe les deux visions provençales : la faconde comique de Pagnol s'effaçant quelque peu devant l'austérité tragique de Giono. Regain est l'histoire du blé qui lève dans une terre délaissée depuis longtemps. C'est du bon pain pétri avec amour par un réalisateur qui attache du prix à l'humanité de chacun de ses personnages. La plus belle scène, qui fait venir les larmes aux yeux, est d'ailleurs celle où le pain joue le rôle principal. Plus que Fernandel, un peu desaxé dans la tonalité générale, ce sont Gabriel Gabrio et Orane Demazis qui apparaissent en première ligne, cette dernière ne méritant d'ailleurs pas (au moins ici) qu'on lui adresse les reproches habituels sur la qualité de son jeu. Panturle, Arsule, Gédémus et les autres, le voyage avec eux en Haute Provence est bien mieux que pittoresque : il est émouvant.

 

Interdit de séjour, Maurice de Canonge, 1955

Un sertisseur de bijouterie est complice malgré lui d'une tentative de casse. Il purge un an de prison et retrouve sa petite amie et une bande de malfrats. Sans valoir son excellent Police judiciaire, Maurice de Canonge signe une bonne bande policière bien dans le goût des années 50, qui décalque non sans talent les films noirs américains de l'époque. Le montage est vif et la mise en scène alerte avec une sympathique scène d'action pour terminer. Femme fatale, tractions noires, flics retors (Frankeur et Dalban), trahisons et examens de conscience : rien ne manque à ce petit polar nerveux et dialogué aux petits oignons. Claude Laydu, anciennement curé de campagne pour Bresson, est parfait en type banal, embringué dans des événements qui le dépassent. Le futur créateur de Bonne nuit les petits était un acteur sans charisme particulier mais pas sans talent.

 

Le château de la dernière chance, Jean-Paul Paulin, 1947

Le docteur Patureau Duparc a réussi à transformer les caractères à volonté et, dans sa clinique, des cobayes humains se prêtent à des transformations psychiques. Sur un sujet fantastique, registre dans lequel Paulin s'est illustré plus tôt (L'homme qui vendit son âme), et avec des dialogues de Troyat, on ne s'attendait point à une telle catastrophe. Ni drôle ni intrigant mais parfaitement inepte, le film semble avoir été écrit avec nonchalance, sans aucun souci de donner une profondeur ou même un soupçon de fantaisie à son intrigue. De Funès y fait une silhouette tandis que Corinne Calvet y apparait le temps de quelques scènes, juste avant de s'envoler pour l'Amérique où elle fit une des carrières les plus prestigieuses pour une actrice française. Quant à Robert Dhéry, l'une des vedettes de cette incongruité, il n'allait point tarder à créer sa célèbre troupe des "Branquignols".

 

Menaces, Edmond T. Gréville, 1940

En 1938, au moment de la conférence de Munich, un petit hôtel parisien abrite plusieurs ressortissants étrangers et français. Sorti en janvier 1940, le film capte l'angoisse d'une petite communauté alors que la guerre semble inéluctable. C'est l'atmosphère qui compte dans Menaces, ainsi que les portraits des différents parias de l'hôtel, davantage que les intrigues proprement dites, dont une sentimentale. Se détache le profil d'Erich Von Stroheim, médecin autrichien défuguré par la guerre précédente et qui porte un masque lui coupant le visage en deux, comme symbolisant la guerre et la paix. Ginette Leclerc et Mireille Balin font également partie de la distribution. Si le négatif fut brûlé par les allemands, des copies purent être sauvées et Gréville tourna un épilogue où l'on voit les armées de Libération défiler. Si certains personnages réapparaissent pour ce dénouement, ce n'est pas le cas de Mireille Balin, en prison pour collaboration et dont la carrière fut terminée.

 



20/09/2018
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