Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Guirlande de vieux films (Août/3)

Vénus aveugle, Abel Gance, 1941

Une femme sacrifie son amour alors qu'elle sait que la cécité la guette. Dédié au maréchal Pétain, en 1941, Vénus aveugle est un pur mélodrame bien dans la manière de Gance, c'est à dire avec emphase et lyrisme, entre sublime et grotesque avec ses plans perchés et son montage parfois épileptique. Il n'empêche que pour être kitsch, la chose ne manque pas de grandeur et ne ressemble que de loin, au moins par la forme, à ce qui se tournait à l'époque de l'Occupation, l'autre grand mélodrame de la période, Le voile bleu, paraissant bien sage à coté. Viviane Romance n'a pas que les yeux pour pleure, elle prouve ici qu'elle méritait mieux qu'être cantonnée à des rôles de vamps ou de garces. Il y a beaucoup de solidarité et d'amour autour de son personnage dans la dernière partie d'un film qui, à sa façon, redonnait un brin d'espoir aux français de 1941.

 

Le bal des pompiers, André Berthomieu, 1949

De mai 44 à l'immédiat après-guerre, l'histoire de plusieurs membres de la famille Grégeois. Contrairement à ce que la plupart des résumés de l'intrigue indiquent, il ne s'agit donc pas d'une évocation de la France de 1940 à 1944. Jean Nohain, auteur de la pièce originelle et des dialogues, connait bien le sujet de la Libération et la façon dont la majorité des opportunistes, collaborationnistes puis résistants de la dernière heure, passèrent entre les gouttes. Loin d'être pétri de bons sentiments, le ton est à l'amertume voire au cynisme dans le film de Berthomieu (réalisateur qui mériterait d'être revalorisé) notamment vis-à-vis du patriotisme aveugle. D'où d'ailleurs ce titre : Le bal des pompiers, ce sont toujours les mêmes qui dansent. Le frère de Nohain, Claude Dauphin, tient avec brio trois rôles dont un qui rappelle ce cher Sacha Guitry.

 

La cuisine au beurre, Gilles Grangier, 1963

Prisonnier des allemands puis évadé, Fernand a vécu 14 ans au Tyrol avant de revenir 14 ans à Martigues pour découvrir qu'on le croyait mort et que sa femme a épousé un normand. Vague souvenir de télévision à l'adolescence, la redécouverte de la rencontre entre Bourvil et Fernandel, Normandie contre Provence, est un soupçon décevante. Les deux comédiens ne sortent que peu de leur zone de confort et à ce jeu-là c'est bien entendu l'exubérance méridionale qui prend le dessus. Grangier filme avec nonchalance une histoire non point culinaire mais sentimentale avec un brin de misogynie par-dessus le marché. Ce n'est pas désagréable à regarder et même drôle parfois mais on est loin de la comédie caustique à l'italienne qu'un tel sujet pouvait engendrer.

 

L'homme du Niger, Jacques de Baroncelli, 1940

Le commandant Bréval a l'ambition de construire un barrage et de fertiliser les terres proches du fleuve Niger. Atteint de la lèpre, il décide de disparaître. Sélectionné pour le festival de Cannes de 1939, qui n'aura pas lieu, le film sort durant la drôle de guerre. Il est forcément colonialiste mais avec une certaine modération, les populations autochtones du Soudan ne faisant que de la figuration. L'intrigue est principalement amoureuse mais elle découle de la psychologie du commandant et apparait au mieux à peine crédible. Toutefois, on ne peut retirer au film une certaine maîtrise narrative et un rythme enlevé ainsi que des interprétations honnêtes d'acteurs capables de beaucoup mieux : Victor Francen et Harry Baur. En ces temps incertains, où les français avaient besoin de se rassurer face à la montée des périls, gageons que L'homme du Niger participait au maintien de son moral en illustrant son oeuvre coloniale.

 

Un témoin dans la ville, Edouard Molinaro, 1959

Ancelin sait que sa femme a été tuée par son amant. Il supprime ce dernier et camoufle son crime en suicide. Mais il y a un témoin, un chauffeur de taxi. Le Molinaro des premiers temps, version film noir, mérite vraiment d'être redécouvert. L'efficacité d'Un témoin dans la ville, américaine si l'on veut, et proche d'un Dassin par exemple, est indéniable. C'est presque en temps réel que l'on suit les traces de cet assassin qui en a trucidé celui de sa femme et qui n'a d'autre solution que de se laisser entraîner dans un sinistre engrenage. Le tout, dans le Paris de la fin des années 50, qui nous parait bien pittoresque aujourd'hui, avec ses chauffeurs de taxi ligués contre le meurtrier et le poursuivant en 403. De la belle ouvrage, ciselée dans le marbre de l'inéluctabilité de la tragédie.

 

 



20/08/2019
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