Grappillage de vieux films (Juin/1)
La vallée du jugement (The Valley of Decision), Tay Garnett, 1945
Pittsburgh, 1876. Mary trouve enfin du travail en tant que servante de la famille Scott, qui dirige des aciéries. De la longue carrière de Tay Garnett, reste l'image d'un artisan honnête qui a principalement excellé dans le film noir et d'aventures ou noir avec en point d'orgue Le facteur sonne toujours deux fois (1946). C'est l'année précédente qu'il tourna son film le plus ambitieux, cette Vallée du jugement, grande fresque très américaine sur fond de conflits sociaux et de développement industriel. Mais le scénario privilégie une histoire d'amour impossible dans un mélodrame qui a parfois la main lourde, sauvé par la grande force de l'interprétation. Gregory Peck est forcément extraordinaire et trouve en Greer Garson, vibrante et digne, une partenaire de jeu exceptionnelle. Elle était de 12 ans l'aînée de Peck mais cela ne voit pas du tout à l'écran. La vallée du jugement mériterait de devenir un classique du cinéma américain.
L'alliance, Christian de Chalonge, 1971
Marié par annonce matrimoniale, un vétérinaire transforme peu à peu sa grande demeure en zoo tout en s'inquiétant de la vie secrète et passée de sa femme qu'il soupçonne même de vouloir sa mort. Cet essai fantastique, le deuxième film de de Chalonge, est tombé dans l'oubli comme la majeure partie de sa carrière qu'il a abandonné pour la télévision. Le film est aussi de voir Jean-Claude Carrière dans un premier rôle après avoir signé l'adaptation de son propre roman. Le couple qu'il forme avec la magnifique Anna Karina est aussi étrange que touchant comme s'ils étaient Adam et Eve sous le regard des animaux de plus en plus nombreux qui peuplent leur maison. Pas d'effets spéciaux mais une angoisse sourde et paranoïaque comme chez Polanski. Le dénouement est particulièrement réussi et raccord avec l'inquiétude permanente distillée par le film.
Jacob le menteur (Jakob der Lügner), Frank Beyer, 1974
En 1944, dans un ghetto juif d'une petite ville de Pologne, Jacob, après avoir faussement prétendu posséder une radio se voit obligé par sa communauté à donner chaque jour les dernières nouvelles. Frank Beyer est l'un des réalisateurs les plus importants de la RDA qui après quelques ennuis avec la censure put enfin tourner l'adaptation du livre de Jurek Becker. Avec un grand succès puisque le film fut le seul d'Allemagne de l'est à être nommé pour l'Oscar du meilleur film en langue étrangère. Ce n'est sans doute pas le meilleur film antifasciste tourné en RDA mais c'est le plus émouvant, dans un style dépouillé, sans s'échapper continuellement dans la fantaisie comme La vie est belle est Benigni. Certains y ont vu un parallèle avec la vie derrière le rideau de fer. Ce qui n'est pas évident même si, devant toute oppression, l'espoir reste un moyen ultime et très humain de résister.
Lo svitato, Carlo Lizzani, 1956
Grouillot dans un quotidien du soir, Achille rêve de devenir journaliste. Il monte une petite escroquerie avec un associé pour être le premier à pouvoir écrire un article sur le sujet. Le film est coécrit et joué par Dario Fo, 90 ans aujourd'hui, qui s'est d'abord fait connaître sur les scènes italiennes en interprétant un personnage lunaire avant de devenir dramaturge, de s'engager en politique et d'obtenir le Prix Nobel de littérature en 1997. Son personnage d'hurluberlu est au service d'un film burlesque et pas très drôle à vrai dire, gentille dénonciation des médias et du pouvoir. Une curiosité et une récréation dans la carrière de réalisateur de Carlo Lizzani qui avait raté de peu, un an plus tôt, la Palme d'Or à Cannes avec La chronique des pauvres amants, d'un tout autre niveau.
Sur un banc dans un parc (Pa en bänki i en park), Hasse Ekman, 1960
Un directeur de théâtre est agressé par un ancien camarade d'école qui le hait. Dans la bagarre, il le tue et transporte son corps sur un banc, dans un parc. Film noir à la suédoise, joué par le réalisateur lui-même. L'influence palpable de l'Alfred Hitchcock des années 30 et l'importance donnée aux détails (le rôle des enfants qui font avancer l'enquête) contribuent à rendre le film plaisant et personnel avec sa mise en scène discrète mais jouant parfaitement des nuances du noir et blanc. La découverte progressive des oeuvres de ce cinéaste méconnu est un vrai bonheur.
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