Cinéphile m'était conté ...

La morte (A falecida), Leon Hirszman, 1965
Zulmira vit pauvrement dans les faubourgs de Rio avec son mari chômeur et sa mère. Obsédée par la mort, elle rêve de funérailles de première classe pour épater le voisinage. Leon Hirszman est l'un des précurseurs du cinema novo dès le début des années 60. Engagé politiquement, il tourna notamment plusieurs documentaires avant de mourir en 1987, à 49 ans, du sida contracté lors d'une transfusion sanguine. La morte est un film remarquable qui pourrait s'apparenter aux comédies italiennes avec un humour très noir s'il ne possédait pas un aspect morbide et tragique. Les personnages secondaires sont superbement campés avec notamment le mari qui extorque le coût de l'enterrement de son épouse à l'ancien amant de celle-ci avant de dépenser son argent pour aller voir un match de football. Ironique et cruelle destinée que celle de Zulmira dans ce film par ailleurs réalisé avec un talent indéniable de mise en scène. Pas loin d'être un chef d'oeuvre.

Ca s'est passé à Rome (La giornata balorda), Mauro Bolognini, 1960
Jeune père, Davide cherche du travail. Embarqué dans une affaire frauduleuse, la journée pourrait lui apporter quelques désillusions de plus, à moins que ... Tourné entre Le bel Antonio et La viaccia, le film est adapté de Moravia et coécrit avec Pasolini. Cela fait trois pessimistes qui racontent la journée déprimante d'un chômeur qui n'a pour seul viatique que sa belle gueule. Ca s'est passé à Rome procède par petits touches, très amoral pour l'époque (avec une interdiction aux moins de 16 ans) et semble plutôt signé du réalisateur d'Accatone que de celui de Metello. Assez moyen avec un Jean Sorel aussi beau que Delon mais au talent largement inférieur. Lea Massari, le temps de quelques scènes, apporte au film son talent qui sera mieux exploitée par la suite.

La nuit de la nonne (Noc nevesty), Karel Kachyna, 1967
Un village morave subit la collectivisation forcée au début des années 50. Un paysan se suicide avec ses bêtes. Sa fille, ancienne nonne reprend la ferme. Le soir de Noël, elle conduit une procession interdite vers la messe de minuit. L'hystérie s'empare du village. Karel Kachyna, l'un des fers de lance de la nouvelle vague tchécoslovaque a au moins réalisé un chef d'oeuvre : L'oreille. La nuit de la nonne est tout aussi violent à l'égard du communisme mais il est bien trop austère et exigeant, et totalement dénué d'empathie pour provoquer une adhésion complète. Et ce, en dépit d'une mise en scène remarquable et une interprétation qui ne l'est pas moins.

L'idiot (Idiot), Ivan Pyriev, 1958
Après un long séjour dans une clinique suisse, le prince Mychkine est de retour à Saint-Pétersbourg. Il fait la connaissance de la très belle Nastassia Filipovna destinée à un mariage arrangé. Le film, énorme succès en URSS, est l'adaptation de la première partie du roman de Dostoïevski. Suite à la défection de l'acteur principal, il ne connut pas de suite. Cependant, même en considérant les qualités des versions de Lampin et surtout de Kurosawa, cet idiot-là est sans hésitation le plus proche du livre. Intense, passionné, théâtral avec une musique dramatique et une mise en scène hallucinée où une lumière démente éclaire les visages des protagonistes. Dantesque ou plutôt terriblement dostoievskien !

Shûen, Koreyoshi Kurahara, 1964
L'amour fusionnel entre une fille des montagnes et un fils de la mer. Une union brisée par la guerre. Splendide film de Kurahara sous la forme d'un mélodrame qui a simplement le tort de s'étirer de longs moments dans son dénouement tragique. Un climat poétique  imprègne toute cette histoire, simple au demeurant, mais rehaussé par la beauté des prises de vue et une mise en scène d'une grande douceur. La guerre, jamais montrée, vient détruire des vies paisibles et heureuses entraînant la tristesse et le désespoir. Il y a peu de films qui montrent avec une telle force la parfaite alchimie entre deux êtres et l'impossibilité de vivre l'un sans l'autre. Shûen fait partie de ceux-là.