Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Glanage de vieux films (Avril/4)


Anita G. (Abschied von gestern, Alexander Kluge, 1966)
Premier long-métrage d'Alexander Kluge, éminent représentant du Nouveau cinéma allemand, qui émergea au milieu des années 60. Le thème d'Anita G. est plus qu'intéressant : l'errance d'une jeune femme réfugiée de RDA, qui se voit peu à peu rejetée par la société de consommation de l'ouest, rigide et sans états d'âme. Kluge fait de son film un exercice de style, à la limite de l'expérimentation, très proche du Godard de l'époque. Cartons explicatifs, voix off, interruptions de la bande son, accélération de l'image, ... Désincarné, le film perd de sa substance et s'enferme dans son propre carcan. Alexandra Kluge, la soeur du réalisateur, joue le rôle principal avec conviction. Elle a un visage et des expressions qui la rapprochent de la belle Anna Karina.

 


Commérages (Affair with a Stranger, Roy Rowland, 1953)
Un excellent professionnel, voilà ce qu'était Roy Rowland, éclectique et capable de tirer le meilleur d'un bon scénario. Celui de Commérages en a un. Non que l'histoire soit originale : un auteur de théâtre galère avant de connaître le succès, se marie avec une femme adorable, adopte un enfant et, délaissé par son épouse, se met à regarder les autres femmes jusqu'à ce que ... Tout est dans la construction du film, chaque personnage : amis, concierge, chauffeur de taxi, etc, évoquant un souvenir du couple en flashback. Malgré sa carrure, Victor Mature montre qu'il peut être fin et Jean Simmons est, comme toujours, craquante/croquante.

 


La proie du mort (Rage in Heaven, W.S Van Dyke, 1941)
Il parait que Robert Montgomery ne voulait pas jouer le rôle de paranoïaque suicidaire que lui réserve le scénario de ce film que Van Dyke a récupéré en cours de route. Son jeu s'en ressent, avec la désagréable impression qu'il n'est pas dans le même film que George Sanders et Ingrid Bergman, lesquels n'ont pas vraiment l'occasion de briller. Ce film noir est cousu de fil blanc (!), manque d'épaisseur et de mystère. Et le dénouement est catastrophique, expédié en trente secondes. Pas fameux tout cela, surtout comparé aux films de l'époque au thème proche (Siodmak, Hitchcock, Tourneur, ...).

 


Une auberge à Osaka (Osaka no yado, Heinosuke Gosho, 1954)
Heinosuke Gosho (1902-1981), réalisateur du premier film parlant japonais en 1931, est connu pour ses shomingeki (films néo-réalistes qui traitent de la condition des classes moyennes). Il est l'auteur d'une centaine de films, entre 1925 et 1968, dont la plupart n'ont jamais franchi les frontières japonaises. Une auberge à Osaka brasse une multitude d'intrigues et s'intéresse à de nombreux personnages, autour du héros, ténébreux et humaniste, qui tente d'alléger le fardeau de ses semblables, sans y parvenir tout à fait. Trouver un peu de gaieté dans le drame de nos vies, tel est le leitmotiv du cinéma de Gosho, dont la mélancolie profonde n'est pas sans évoquer, sur une tonalité moins aigüe, celle des films de Mikio Naruse. Beau film épuré et touchant.

 


Là d'où l'on voit les cheminées (Entotsu no mieru basho, Heinosuke Gosho, 1953)
Le film majeur de Gosho. Un petit chef d'oeuvre. A Tokyo, dans les années 50, quatre cheminées fumantes dominent la ville. Mais selon l'endroit où l'on trouve, la perspective veut que l'on n'en voit que trois, deux ou une seule. Ce phénomène a inspiré la philosophie de l'histoire originale écrite par Rinzo Shiina : rien n'est tout à fait juste ou faux, tout dépend du point de vue que l'on adopte. Plusieurs histoires se mêlent dans un quartier modeste de Tokyo où vivent tant bien que mal un couple (la femme s'est remariée après la mort de son premier époux dans les bombardements de 45) et deux jeunes locataires, un garçon et une fille qui ont des emplois précaires qu'ils n'aiment pas. Un jour, un bébé est déposé dans la maison. C'est celui de l'homme que l'on croyait mort et qui est devenu clochard. A la lisière du misérabilisme et du mélodrame, Gosho filme une comédie humaine et, parfois, une comédie tout court, avec plusieurs scènes burlesques et absurdes. C'est d'autant plus réussi que l'on y retrouve des comédiens vus chez Ozu ou Naruse, dont la merveilleuse Hideko Takamine.



30/04/2012
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