Cinéphile m'était conté ...

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Fagot de vieux films (Février/3)

Les mauvais coups, François Leterrier, 1961

Avant de venir à un cinéma commercial, François Leterrier a commencé avec de réelles ambitions puisque Un roi sans divertissement a suivi Les mauvais coups, son premier long-métrage, une adaptation d'un roman de Roger Vailland, située dans la campagne française, dans un automne (ou un hiver) sinistre. Un film avec principalement trois personnages, dont un couple usé et une jeune femme qui vient de débarquer. L'ambiance est souvent détestable entre le mari et la femme, la seconde noyant dans l'alcool sa crainte ou son désir, peut-être les deux, que son époux ne succombe à la tentation de la nouvelle venue. Le scénario n'est pas très étoffé mais l'atmosphère épaisse fait son oeuvre et c'est surtout un régal de voir une Simone Signoret parfaite face à une Alexandra Stewart éclatante de beauté et déjà excellente actrice malgré son jeune âge.

 

Mon oncle Benjamin, Edouard Molinaro, 1969

N'oublions pas que Mon oncle Benjamin date de 1969 et que le (re)voir avec le prisme de 2024 serait une funeste erreur. Il y a une bonne dose d'esprit français dans ce film déluré, entre Ronsard et Rabelais, qui fait l'apologie de l'épicurisme et du libertinage et qui moque les privilèges des puissants, riches ou nobles, dont la morgue et le mépris méritent bien l'opprobre, de nos jours encore. Molinaro n'est pas un grand cinéaste, tout juste un bon artisan, mais il avait sous la main un matériau de choix et il a su donner du rythme et de l'allure à un long-métrage qui rappelle ceux de de Broca, avec un soupçon de paillardise en plus. C'est donc fort agréable à regarder, d'autant qu'à côté de Jacques Brel, qui ne montre que peu ses lacunes d'acteur, les seconds rôles sont somptueux, de Paul Frankeur à Paul Préboist, en passant par Bernard Blier, Lyne Chardonnet, Rosy Varte, Robert Alban, Alfred Adam, Bernard Alane et, surtout, la magnifique Claude Jade.

 

L'insoumis, Alain Cavalier, 1964

Le combat dans l'île, L'insoumis et Mise à sac : les trois premiers longs-métrages d'Alain Cavalier, dont les deux premiers ont eu maille à partir avec la censure, impressionnent encore aujourd'hui par leur maîtrise. Ils vieillissent moins que bien des œuvres des années 70 et 80, de par leur sécheresse narrative qui s'accompagne d'une sorte de romantisme noir. L'insoumis se déroule à une époque soigneusement évitée par le cinéma français, à savoir les derniers soubresauts de la guerre d'Algérie, marqués par les actions désespérées de l'OAS. Mais le film abandonne vite son aspect politique pour se centrer sur son personnage principal, un déserteur qui a ensuite libéré l'otage qui était sous sa surveillance. Cet homme, à force de mauvais choix, se retrouve au bout de sa route et son parcours final s'apparente à un calvaire, avec la blessure physique qui le fait souffrir autant que celle, psychologique, qui le taraude. L'histoire d'amour qui arrive inopinément n'offre pas le meilleur côté de L'insoumis mais Lea Massari, énigmatique, et Alain Delon, magnétique, dans l'un de ses tout meilleurs rôles, font de ce couple maudit quelque chose d'obscurément beau. Concis et viscéral, ce film, longtemps invisible, a sa place dans les anthologies du cinéma français.

 



18/02/2024
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