Cueillette de vieux films (Mars/1)
L'homme de la Tour Eiffel (The Man on the Eiffel Tower, Burgess Meredith, 1949)
Un double meurtre. Maigret, pipe au bec, enquête. Première réalisation de l'acteur Burgess Meredith qui s'empare d'un Simenon déjà adapté, et bien mieux, par Duvivier (La tête d'un homme). Le scénario est insipide dans un Technicolor baveux (le premier film américain en couleurs tourné en France). Un bon noir et blanc des familles aurait été préférable. Le film a le mérite d'être réalisé en décors naturels, ce qui permet d'oublier l'inocuité de l'intrigue. Laughton campe un Maigret placide, débonnaire et ironique. Simenon le trouvait "trop gros et abominable." Hum. Le film aura au moins permis à Laughton de tourner lui-même quelques scènes, un bon apprentissage avant son mirifique La nuit du chasseur, 6 ans plus tard. La meilleure interprétation est celle de Franchot Tone, exquis en psychopathe. Notons tout de même au crédit du film son spectaculaire final sur la Tour Eiffel.
Le cocu magnifique (Il magnifico cornuto, Antonio Pietrangeli, 1964)
Un chapelier aisé a trompé sa femme pour la première fois après plus de deux ans de mariage. Peu à peu, il se persuade que celle-ci lui est infidèle. La comédie de moeurs n'est pas le domaine dans lequel Pietrangeli a brillé le plus. Le film n'est pas drôle, il vire même à l'aigre devant les obsessions de celui qui aurait mieux été défini comme étant le cocu imaginaire. La partie la plus réussie est la description de la bourgeoisie italienne avide de cancans et qui considère le luxe et la consommation comme des éléments indispensables de la stature sociale. Ugo Tognazzi, plutôt en sous-jeu, ne démérite pas, pas plus que Claudia Cardinale toujours juste. Un an plus tard, le réalisateur tournera Je la connaissais bien, un drame, sans doute son meilleur film.
De nouveaux hommes sont nés (Proibito rubare, Luigi Comencini, 1948)
Un prêtre se fait voler sa valise avant d'embarquer pour l'Afrique. Devant la misère des enfants de Naples, il décide de leur prêter assistance. Film néo-réaliste certes, époque oblige, mais point de misérabilisme dans ce tout premier long-métrage de Comencini riche en péripéties. Le réalisateur filme les enfants avec amour, comme il le fera tout au long de sa carrière et ces gosses sont épatants de naturel. Malgré le sermon un brin moralisateur sur la fin, Comencini démontre d'emblée son caractère généreux qui ne cède jamais à la mièvrerie.
Quartier Le rêve (Synikia to oneiro, Alékis Alexandrakis, 1961)
Dans les quartiers pauvres d'Athènes, les habitants vivent d'expédients, de menus larcins et de combines sans envergure. Sans cesser pourtant de croire en des lendemains meilleurs. Acteur réputé, Alékis Alexandrakis n'a dirigé que deux longs-métrages. Tourné avec l'aide et la participation des résidents des bidonvilles, le film est un drame social néo-réaliste, assez facile à suivre malgré la quantité de ses intrigues. Ce qui ressort est la dignité malgré le dénuement. La musique allègre de Theodroakis apporte un contrepoint léger au récit. Le film fut interdit par la censure grecque à sa sortie. Il est vrai que l'on est très loin des clichés touristiques.
Chotard et Cie (Jean Renoir, 1933)
Un gros négociant de province doit se résoudre à ce que sa chère fille épouse le poète du coin. Jusqu'à ce que celui-ci remporte le Prox Goncourt. Tiré d'une pièce de théâtre, tourné entre deux films bien plus prestigieux, Boudu sauvé des eaux et Madame Bovary, Chotard souffre de la comparaison, tellement son sujet est tiré par les cheveux et entièrement dédié aux excès oratoires de l'inénarrable Charpin. Cette critique de la bourgeoisie inculte, pour chabrolienne qu'elle soit manque d'arguments narratifs même si on y retrouve le thème de la lutte des classes privilégié par le réalisateur de La règle du jeu et de La grande illusion. Du point de la vue de la mise en scène, quelques moments rappellent la maestria du "patron." Proche du Boulevard, cette comédie méconnue n'apporte rien à la gloire de Renoir. Elle se suffit en tant que passe-temps agréable.
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