En ligne avec trois continents (1)
Le Festival des 3 continents de Nantes a lieu cette année en ligne. L'occasion de découvrir des films venus d'Asie, d'Afrique et d'Amérique du Sud.
Goodbye Mister Wong, Kiyé Simon Luang, Laos
Au bord du lac Nam Ngum, au nord du Laos, plusieurs se personnages se croisent : français, chinois et laotiens. Goodbye Mister Wong possède un rythme particulier, aussi contemplatif devant les splendides paysages lacustres que devant le mystère insondable des êtres, tous à la recherche de quelque chose : l'amour, l'abandon, l'argent ... Souvent languissant mais rarement ennuyeux, le film avance avec une grande douceur, convoquant aussi bien le passé colonial (avec son héroïne franco-laotienne) que l'avenir (avec l'investisseur chinois). Goodbye Mister Wong file comme les bateaux sur l'onde, sans hâte, le temps suspendu pour contempler la beauté d'une nature encore préservée. Il n'y a littéralement pas le feu au lac mais pour combien de temps encore ? Aux côtés de Marc Barbé et de Nathalie Richard, impeccables, la gracile Nini Vilivong charme par son naturel. Elle a accepté ce premier rôle au cinéma "pour permettre à ses enfants d'avoir un souvenir d'elle."
Un printemps à Hong-Kong (Suk suk), Ray Yeung, Hong-Kong
Un chauffeur de taxi marié de 70 ans et un homme divorcé et retraité se rencontrent et tombent amoureux. Plutôt que de Printemps à Hong-Kong, il s'agit d'automne tardif, si l'on considère l'âge de ses deux principaux protagonistes. Plus sérieusement, le film raconte avec pudeur non pas seulement une liaison entre séniors mais surtout les compromis et les petits arrangements que ces deux hommes, tous les deux grands-pères, ont dû consentir, tant du point de vue social que familial, pour vivre leurs véritables orientations sexuelles. Attention, ce n'est pas du tout un film militant (quoique) et encore moins une bluette sentimentale du troisième âge même si bienveillance et tendresse à l'égard des personnages y sont évidents. Le film, mis en scène sobrement mais avec goût, et très juste sur le plan de l'interprétation, ne cherche pas à dramatiser de clandestines relations, préférant adopter un ton doux/amer et mélancolique, dressant par ailleurs des tableaux familiaux qui ne manquent pas d'un certain humour ou peut-être encore davantage d'une lucide ironie. Un printemps à Hong-Kong rejoint donc Deux et Les héritières, avec un égal talent, montrant que quel que soit le continent, les pressions sociales sont peu ou prou partout les mêmes. Jeune cinéaste hongkongais qui a consacré ses trois premiers longs-métrages à des sujets "gays", Ray Yeung montre en tous cas déjà une très belle maîtrise et une grande délicatesse dans la narration et la réalisation.
Eyimofe, Arie et Chuko Esiri, Nigeria
Lagos, de nos jours, Mofe et Rosa, sans se connaître, nourrissent le même rêve : quitter le Nigeria pour une vie meilleure. Construit sous forme de diptyque, ce premier long-métrage de frères jumeaux nigérians, Arie et Chuko Esiri, frappe par son réalisme, sans misérabilisme, ancré dans la mégalopole nigériane. Mofe, électricien, et Rosa, coiffeuse, sont des personnes ordinaires, dans un environnement complexe où les pièges sont nombreux et où leur honnêteté est mise à rude épreuve, y compris au sein de leurs propres familles. On côtoie dans Eyimofe des personnages plus ou moins toxiques mais le film leur réserve un traitement qui est tout sauf manichéen, leur accordant sinon de la bienveillance mais du moins une compréhension intelligente. On pourrait croire que les deux protagonistes du film vont se croiser à un moment ou à un autre mais les cinéastes se refusent à toute facilité narrative, cherchant avant tout l'authenticité, sans pour autant négliger l'aspect romanesque d'une fiction que l'on sent parfaitement documentée et somme toute assez loin des clichés attachés à Lagos. Il en est de même pour la quête obsessionnelle d'un visa pour l'Europe, qui caractérise au début Mofe et Rosa, sans doute comme beaucoup d'autres, et qui s'efface progressivement devant l'obligation de renoncer à ses rêves et de revenir au quotidien, aussi difficile soit-il. Les deux héros de Eyimofe sont des survivants de la jungle urbaine et c'est cette lutte que le film des frères Esiri donne à voir, avec une acuité et une lucidité remarquables.
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