Cueillette de vieux films (Mai/1)
Le défi (La sfida), Francesco Rosi, 1958
Jusqu'alors Vito n'a été qu'un brigand sans envergure. Mais il est ambitieux et veut sa part du gâteau. Il ne peut que se heurter à la camorra. Le tout premier film de Francesco Rosi pose déjà les jalons d'une carrière remarquable. En 1958, il se situe dans le post-réalisme avec l'influence d'un certain cinéma américain, social et nerveux, comme celui de Jules Dassin (Les bas fonds de Frisco). L'intrigue est certes cousue de fil noir mais le sens du cadre de Rosi, sa science du montage et son attachement à ses personnages sont impressionnants pour un jeune réalisateur qui d'emblée s'attaque aux structures mafieuses de sa bonne ville de Naples dont il filme le caractère populaire avec verve. Un début excellent.
Il est minuit docteur Schweitzer, André Haguet, 1952
Pasteur et médecin, le docteur Albert Schweitzer se rend au Gabon où une grande partie de la population souffre de malaria. Reconnu de tous, il se voit néanmoins contraint de quitter le pays en 1914 à cause de ses origines alsaciennes. A la fin de la guerre, il y retournera pour continuer son travail. Le film ne se cache pas d'être une hagiographie et, ma foi, elle ne tombe jamais (tout à fait) dans le ridicule. Parce qu'il contient beaucoup de vrai et que son message humaniste ne laisse pas de bois. Pierre Fresnay surjoue quelque peu, ce qui n'est pas le cas de ses camarades : Jean Debucourt, Raymond Rouleau et la jeune Jeanne Moreau. Le film a été tourné du vivant de Schweitzer qui l'a approuvé. Il comporte pourtant des inexactitudes importantes : le médecin n'a été arrêté qu'en 17, par exemple. Et quid de sa femme qui l'a accompagné en Afrique ? Elle est totalement absente du film comme si la sainteté ne pouvait être que synonyme de solitude.
They had to see Paris, Frank Borzage, 1929
Un mécanicien de l'Oklahoma devient riche avec l'exploitation d'un puits de pétrole. Sa femme décide qu'il est temps de s'affranchir de leur culture provinciale et de visiter Paris. Cette critique des nouveaux riches est une comédie un peu laborieuse de la part du grand Borzage. La confrontation entre les parvenus américains et l'aristrocratie française vaut tout de même pour quelques scènes où la sensibilité et l'ironie du cinéaste font merveille. L'inénarrable Will Rogers, célèbrissime en son temps, promène sa face d'ahuri au milieu de la jungle parisienne. Même un petit film de Borzage mérite le détour puisque l'humanité et la chaleur n'y sont jamais absents.
Haha, Kaneto Shindo, 1963
Pour pouvoir faire opérer son fils atteint d'une tumeur au cerveau, une femme n'a d'autres solutions financières que d'épouser un homme qu'elle n'aime pas. C'est son troisième mariage. Mort en 2012, à tout juste 100 ans, Kaneto Shindo a écrit plus de 200 scénarios pour des réalisateurs tels que Mizoguchi, Naruse, Masumura ou Kinoshita. Il a lui-même dirigé une quarantaine de films dont au moins trois sont connus et admirés des cinéphiles : L'île nue, Onibaba et Les enfants d'Hiroshima. Celle-ci était d'ailleurs sa ville natale. Haha est un film étonnant : son héroïne voit mourir en 100 minutes son père, son frère et son fils. Shindo évite pourtant tous les pièges du mélodrame par la grâce d'un montage elliptique, d'un ton tantôt ironique, tantôt cruel (le personnage de la mère de l'héroïne est terrible) et d'une mise en scène onirique. Remarquable.
Le chemin de la vie (Putyovka k zhizn), Nikolaï Ekk, 1931
Les enfants des rues pullulent encore dans le Moscou de 1923. Plutôt que de les renvoyer dans un orphelinat, un éducateur a l'idée de fonder avec eux une entreprise collective en pleine campagne. Nikolaï Ekk a peu tourné mais il a le privilège d'avoir réalisé le premier film parlant soviétique. Une oeuvre de propagande, certes, mais loin d'être unidimensionnelle et qui par bien des côtés reste un film muet, notamment dans son esthétique et avec ses cartons qui intelligemment font progresser l'action, alors que la voix off se situe plutôt dans le registre solennel. Le film est animé de multiples chants et bien que mélodramatique possède une énergie de tous les instants. Un grand film bien au-delà de son aspect politique.
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