Cueillette de vieux films (Août/6)
Le point du jour (Louis Daquin, 1948)
4h30, le réveil sonne. La mère fait le café, prépare les tartines. Elle va bientôt réveiller son mari, son fils et sa fille. La mine n'attend pas. Le nom de Louis Daquin évoque aujourd'hui un cinéma poussiéreux et académique. On a tort, Le point du jour est un film sur le charbon pas comme les autres. Peu ou pas de dramaturgie mais des tranches de vie avec des choix à faire : pour l'ingénieur fraîchement débarqué de Paris, pour le mineur d'extraction (c'est le cas de le dire) polonaise, pour un couple qui veut se marier, pour un gosse de 14 ans qui ne veut plus "descendre". Pas de coup de grisou, pas de grève, pas de rivalités amoureuses : le film se voit comme un documentaire. Orienté, certes, puisque Daquin était communiste. La dernière image montrant le syndicaliste et l'ingénieur sympathisant avant d'aller au travail est sans doute trop idyllique, mais ... Le point du jour est un très beau film dans lequel Desailly est comme toujours juste et où le jeune Piccoli (23 ans) trouve son premier grand rôle.
Savages (James Ivory, 1972)
Une tribu primitive est stupéfaite par l'apparition d'une boule de croquet dans la forêt. Elle découvre une riche demeure qui semble abandonnée. Choc des sociétés : l'allégorie du duo Merchant/Ivory essaie de montrer que les sociétés qu'elles soient primaires ou sophistiquées (des années 20) se ressemblent beaucoup. Le film passe du noir et blanc à la couleur et d'une civilisation à l'autre. Une voix off en allemand philosophe de façon absurde. Pas de continuité narrative mais une suite de saynètes bavardes sans queue ni tête. Le film le plus bizarre de Ivory et une tentative peu concluante de leçon d'anthropologie. Très dispensable.
Printemps à Budapest (Budapesti tavasz, Félix Mariassy, 1955)
Au début de 1945, Budapest est encerclée. Combats de rue, rafles, bombardements : la ville affamée vit sous la terreur. De nouveaux cinéastes hongrois s'engouffrèrent dans la brèche d'un régime plus libéral dans les années 50 (et jusqu'à 56) : ils s'appellent Karoly Makk, Zoltan Fabri et Félix Mariassy. Printemps à Budapest n'est pas un hymne à la gloire des libérateurs soviétiques mais un récit humain, parfois confus comme l'était la situation alors, centré sur la vie quotidienne des habitants. Pas de lyrisme mais un réalisme puissant.
On n'achète pas le silence (The Liberation of L.B. Jones, William Wyler, 1970)
Une entrepreneur de pompes funèbres (riche et noir) veut divorcer de sa jeune femme qui le trompe avec un policier (blanc) mais dans une petite ville du Tennessee, l'affaire n'est pas aussi simple. Rares sont les ultimes films des grands réalisateurs qui soient à la hauteur de leur réputation. On n'achète pas le silence est en partie raté parce qu'il use et abuse de stéréotypes (quel portrait de la femme noire !). Mais attention, il ne faut pas oublier le contexte : le film est tiré d'un roman qui lui-même se base sur des faits ayant eu lieu en 1955. S'il est un cinéaste de divertissement, Wyler a aussi signé des films courageux pour leur époque. Son dernier ne fait pas exception à la règle malgré ses excès. Par ailleurs, le réalisateur de Ben Hur montre au crépuscule de sa carrière qu'il maîtrise toujours son récit et l'art du suspense. On n'achète pas le silence mérite mieux que l'oubli.
La province de Yangsan (Yangsando, Kim Ki-young, 1955)
Un villageois et sa promise doivent fuir car un homme de plus haut rang a jeté son dévolu sur la femme. Ils sont rattrapés et le villageois laissé pour mort. Kim Ki-young est connu en occident depuis le remake de son film le plus célèbre, La servante, par Im Sang-soo, aussi iconoclaste et sulfureux que l'était son prédécesseur. Inspiré d'une légende coréenne, Yangsando est le deuxième film de Kim, très mal reçu par la critique à sa sortie. A son débit : une interprétation outrée, une intrigue confuse et un caractère mélodramatique très accentué. A son crédit : une mise en scène inventive et une volonté de transformer la tragédie en farce. C'est curieux, inégal et séduisant pour son dénouement emphatique.
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