Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Cette année à La Rochelle (8)

 

J'ai aimé le Bonello et pas trop le Trueba. Avec un film québécois aussi au programme.

 

Le bruit des moteurs de Philippe Grégoire

Il parait que le cinéaste québécois Philippe Grégoire est un adepte du "non-narratif", chose qui n'apparait pas évidente dans Le bruit des moteurs qui comporte bien une trame, aussi fantasque et irréelle fut-elle. Son héros est un formateur des douanes canadiennes, dans un Québec légèrement dystopique, gouverné par une droite dure, où les autorités s'arrogent le droit d'enquêter sur ses citoyens lorsque ceux-ci sont sexuellement hyperactifs, dans un climat général très sécuritaire. Cette comédie au cheminement imprévisible semble parfois aller nulle part mais son caractère absurde et sa dynamique d'exécution en font un spectacle divertissant, d'une durée limitée (79 minutes) qui lui sied parfaitement au teint. L'interprète principal, Robert Naylor, semble comme un poisson dans l'eau, aussi bien quand le film met les gaz ou le malmène, que dans des scènes, disons plus contemplatives. Les dialogues sont enlevés et croustillants avec cependant un débit si rapide et "local" que le public français ne peut qu'en capter une partie, hélas. Sous-titrer Le bruit des moteurs pour les non-québécois aurait constitué un ajout appréciable pour apprécier les subtilités ou la verdeur langagières du film.

 

Coma de Bertrand Bonello

Ceux qui aiment le Bertrand Bonello de L'Appolonide ou de Saint Laurent risquent fort de ne pas goûter Coma, film très personnel et adressé directement à sa fille et à une jeune génération qui a souffert durant les périodes de confinement. Il est vrai que le film a dans son introduction et sa conclusion écrites une tendance à enfoncer des portes ouvertes et morales, voire à donner des leçon de vie. Coma zappe continuellement dans sa forme, entre le réel et le virtuel, mélangeant tutoriels, dialogues en off de figurines (Ken et Barbie) et animation. Un melting-pot qui pourrait être difficile à digérer si Bonello n'y introduisait pas sens de l'humour et du merveilleux, dans une manière parfois expérimentale et presque toujours ludique. C'est notre époque, assimilable à des limbes, que portraiture le cinéaste, un œuf dont l'éclosion débouchera sur un monde encore à définir, enthousiasmant ou inquiétant, c'est selon. En attendant, Coma montre un cinéaste libre, qui peut parfois ratiociner ou se vautrer dans les platitudes, mais qui maintient nos sens, y compris celui de l'ironie, en éveil. Les voix de Vincent Lacoste, Laetitia Casta, Anaïs Demoustier et du regretté Gaspard Ulliel sont autant de petits cailloux familiers dans ce récit fragmenté et assez souvent déstabilisant. En chair et en os, c'est Julia Faure, dans un rôle d'influenceuse, qui décroche la timbale dans des apparitions toujours très stylées qu'elle rend addictives. On a hâte de la revoir chez Dupieux dans Fumer fait tousser.

 

Venez voir de Jonas Trueba

Il y a actuellement une "hype" Jonás Trueba, concrétisée notamment par une intégrale de sa filmographie présentée lors de la 50ème édition du Festival de La Rochelle. Venez voir, dont la durée n'excède que de peu l'heure de projection, a été réalisé avec une grande économie de moyens, autour des conversations de 4 trentenaires, d'abord à Madrid, après un concert, puis 6 mois plus tard, à la campagne, dans la maison de l'un des deux couples. Avec Venez voir, c'est au fond toujours le même débat autour d'un cinéma volontairement minimaliste, où les dialogues occupent toute la place, et volontiers philosophiques et existentiels. Filmer presque rien nécessite un certain talent et Trueba n'en est pas dépourvu mais l'exercice a ses limites et peut aisément susciter des remarques acerbes du style : "les bobos parlent aux bobos", une assertion qui n'est pas dénuée de bon sens. Il n'y a aucune obligation à aimer ce type de cinéma, pas plus qu'à apprécier celui de Hong Sang-soo, par exemple, ni à s'extasier pour une mise en abyme qui ressemble à une posture auteuriste qui n'étonne pas vraiment. Nonobstant les réserves que l'on est droit d'émettre sur ce film bien indolore, gardons tout de même un œil sur le fils de Fernando Trueba, qui ne sera pas toujours à la mode, et qui possède, sans l'ombre d'un doute, la capacité d'enfin nous surprendre un jour, hors sa zone de confort.

 



09/07/2022
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 51 autres membres