Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Aux Arcs, etc. (2)

 

Mon premier très gros coup de coeur est pour le britannique After Love qui sortira (peut-être) le 10 mars en France.

 

Cigare au miel, Kamir Aïnouz, France

Cigare au miel, le premier long-métrage de Kamir-Aïnouz, nous plonge dans une famille aisée, d'origine Kabyle, habitant du côté de Neuilly, alors que l'Algérie traverse ses années de plomb. Le film n'est cependant pas une chronique historique à proprement parler, même si la toile de fond, éloignée, est importante. Cigare au miel est davantage une émancipation, celle d'une jeune femme qui touche du doigt les limites de l'ouverture de ses parents et le poids d'un héritage culturel quant à la place des femmes. Pour Selma, l'héroïne du film, la libération doit passer par celle du corps et par une sensualité forcément dérangeante pour sa famille mais aussi pour ses condisciples de son École de Commerce où les préjugés bourgeois et machistes continuent de prévaloir. Ce combat intime est bien rendu par le jeu tout en finesse de Zoé Adjani (la nièce de, très douée) mais un peu moins par la mise en scène qui a du mal à faire comprendre les méandres psychologiques de son interprète principale, le même constat s'appliquant aux parents de Selma dont on ne saisit pas toujours parfaitement la logique des comportements. Quant à la partie se déroulant en Kabylie, elle apporte certes une respiration bienvenue au film mais ne suscite pas autant d'émotion qu'espéré.

Note : 5,5/10

 

Le procès de l'herboriste (Sarlatan), Agnieszka Holland, République Tchèque.

Autant que Gareth Jones, le héros de L'ombre de Staline, Jan Mikolášek. est un parfait inconnu en nos contrées, un citoyen tchécoslovaque, qui a consacré sa vie à soigner ses patients par les plantes, jusqu'aux plus hauts dignitaires nazis, pendant la guerre, ou communistes, dans les années 50. Régulièrement accusé de charlatanisme, alors que lui-même réfutait le terme de médecin, le personnage est fascinant et ne pouvait que plaire à Agnieszka Holland qui a construit autour de lui un scénario explorant ses zones de gris, se gardant bien de le condamner ou de le glorifier. Comme toujours dans son œuvre, la réalisatrice excelle dans la reconstitution d'époques troubles, ici par le biais de flashbacks (peut-être un peu trop nombreux) de la Tchécoslovaquie des années 30 à la fin des années 50. Le film, qui est fidèle à sa manière quelque peu austère, un brin figée même, mais cependant ample et puissante, s'attache aussi à la vie privée de son héros, dissimulée car susceptible, autant que son activité, de susciter une soif de répression de la part des autorités successives, et en particulier des communistes. En livrant ses patients au bon soin des plantes, Jan Mikolášek a été un homme d'influence, protégé puis menacé, une sorte d'épine dans le pied pour des régimes autoritaires, dont une certaine part de mystère, quant à sa psychologie reste entier. Dans le rôle principal, l'acteur tchèque Ivan Trojan est absolument formidable.

Note : 7/10

 

After Love, Aleem Khan, Grande-Bretagne.

Ce n'est pas la première fois que le thème d'After Love est traité au cinéma mais le premier long-métrage du britannique Aleem Khan s'y emploie avec une intelligence et une sensibilité marquantes. Découvrir, après sa mort, que son mari lui cachait une double vie, correspond pour Mary, sa veuve, à une trahison et à un écroulement des certitudes d'une existence, qui s'ajoutent au deuil. Tout au long du film, le spectateur a tout latitude pour se mettre à la place de cette femme meurtrie et non seulement de rejoindre mais aussi d'imaginer ses états d'âme, dès lors que le récit se garde bien de toute démonstration. La mise en scène, précise, est proche de son interprète principale mais élargit son champ d'action au fur à mesure, pour prendre en compte les personnages qui entrent en relation avec l'héroïne. Au-delà de sa trame majeure, qui relève aussi du suspense et du thriller mental, After Love s'attache aussi à montrer une femme qui a épousé une religion (musulmane) par amour, un élément-clé du scénario qui ajoute une touche culturelle et sociale dans la construction extrêmement bien écrite du film. Et l'émotion dans tout cela ? Elle est contenue et ne surgit qu'à l'approche du dénouement, d'une manière habile et spectaculaire, qui culmine dans un travelling arrière vertigineux et sublime qui est tout le symbole d'une histoire qui a duré des années entre Douvres et Calais, à l'image de ces deux villes, comme dans un miroir. Côté interprétation, si Nathalie Richard est comme toujours parfaite, c'est bien Joanna Scanlan, incroyable, qui mérite tous les éloges.

Note : 8/10

 

 



14/12/2020
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