Cavalcade de vieux films (Novembre/2)
La roulotte rouge (Chad Hanna, Henry King, 1940)
L'époque : 1840. Le lieu : un cirque ambulant. C'est là que se retrouvent un homme poursuivi pour avoir facilité la fuite d'un esclave et une jeune femme qui a abandonné sa famille. Malgré le technicolor, le film est surtout marquant par son absence de péripéties. Il s'en exhale pourtant un charme désuet dans sa candeur et sa bienveillance vis à vis de ses personnages. Henry Fonda montre une fois de plus son génie, le mot n'est pas trop fort, à camper des caractères faussement fades. Linda Darnell, quant à elle, oppose sa fraîcheur au jeu plus stéréotypé de Dorothy Lamour. Un film bien de l'esprit humaniste de Henry King.
Au nom de la loi (In nome della legge, Pietro Germi, 1949)
Un jeune magistrat débarque dans un village sicilien. Il se heurte immédiatement au potentat local et surtout à la mafia. C'est la première fois que le mot même de mafia est prononcé dans un film italien et que celle-ci est dépeinte dans sa réalité paysanne, avec ses propres lois sanglantes. Il s'agit ici d'un véritable western y compris dans ses décors désertiques, où les hommes se déplacent à cheval. Le film n'a rien perdu de sa puissance et bénéficie d'un scénario d'une grande clarté, écrit par Monicelli, Fellini et Germi. Nonobstant un dénouement bien angélique, avec une interprétation remarquable (dont celle de Vanel), on a affaire à un très grand film qui valorise encore davantage la place de Germi dans le cinéma italien.
La ferme des hommes brûlées (Woman obsessed, Henry Hathaway, 1959)
Hantée par la mort de son mari dans un incendie de forêt, une fermière tente de refaire sa vie. Mais son jeune fils compte avant tout. Au rythme de la nature et des éléments (feu, neige, tempête), ce film sur le poids du passé et ses traumatismes possède un aspect psychanalytique prégnant qui en fait un drame poignant sur le deuil et la rédemption. Amplement réalisé avec tout le talent d'un grand cinéaste comme Hathaway, le film suscite une émotion grandissante dans la complexité de personnages admirablement écrits. Susan Hayward, actrice d'exception, compose ici un rôle de femme proprement inoubliable.
Kipps (Carol Reed, 1941)
Simple employé, Kipps hérite d'une fortune inattendue. Il va entrer dans le beau monde. Une adaptation minutieuse de l'oeuvre de H.G. Wells, chronique edwardienne qui épingle joyeusement la bonne société de l'époque. Sur le thème : l'argent ne fait pas le bonheur mais y contribue, à condition de ne pas oublier votre ancienne condition, Carol Reed est particulièrement à l'aise dans cette comédie ironique dont le seul tort est d'être trop bavarde. Mais avec le grand Michael Redgrave, so British, dans le rôle principal, ce n'est que vétille.
La commissaire (Komissar, Alexandre Askoldov, 1967)
Vavilova, commissaire politique dans l'armée rouge pendant la guerre civile russe, vient accoucher dans la famille juive d'un artisan. Elle y découvre une vie inconnue d'elle. Comment expliquer que ce film réalisé en 1967 ait obtenu l'Ours d'argent à Berlin en 1988 ? Tout simplement parce qu'il a été banni avant sa sortie, son négatif brûlé et son réalisateur interdit de tournage. Ce fut d'ailleurs le premier et dernier film d'Askoldov qui a aujourd'hui 82 ans. Que lui reprochait le pouvoir soviétique ? De montrer 1.la violence de la guerre de "libération", 2.le rôle pivot de la femme dans la famille, 3. la souffrance, la pauvreté et l'humanisme de la population juive. Tiré d'un récit de Vassili Grossman, La commissaire fut considéré comme pro-sioniste par un Etat alors ouvertement antisémite. Parfois outré dans ses envolées symbolistes, le film porte cependant la marque d'un cinéaste immensément doué, de la trempe d'un Eisenstein. Hélas, il ne put jamais le démontrer par la suite.
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