Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Carrousel de vieux films (Mai/3)

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Marie-Martine, Albert Valentin, 1942

La postérité a été injuste avec Albert Valentin qui a au moins signé deux très grands films pendant l'Occupation, Marie-Martine et La vie de plaisir, qui devraient être considérés comme des classiques du cinéma français. Le dernier film fut hélas maudit puisque condamné, de la même façon que Le corbeau, à la fois par la presse collaborationniste puis par les juges de la Libération. La carrière du cinéaste d'origine belge en fut gravement affecté. Marie-Martine est un modèle de construction avec des flashbacks successifs qui viennent éclairer le parcours de l'héroïne, ange aux ailes brisées par la méchanceté du monde. Le film est d'une grande noirceur mais atténuée de moments de tendresse et d'humour. La scène de "Tiens ta bougie droite" avec l'immense Saturnin Fabre est une merveille de déclaration de misanthropie blessée, cocasse et émouvante à la fois. Il n'est pas le seul acteur à briller avec entre autres un Jules Berry cynique à souhait, Bernard Blier et Renée Saint-Cyr qui trouvera son plus beau rôle un an plus tard dans la magnifique adaptation de Pierre et Jean par Cayatte. Oui, l'oeuvre d'Albert Valentin, assistant de René Clair, coscénariste du Boudu sauvé des eaux de Renoir et de Le ciel est à vous de Grémillon (avec son compatriote Charles Spaak), notamment, mériterait vraiment d'être revalorisée.

 

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Sortilèges, Christian-Jaque, 1944

Dans un coin reculé d'Auvergne, par un hiver rigoureux, un homme est assassiné à coup de lance-pierres. Mais l'enquête policière n'intéresse absolument pas Christian-Jaque pas plus que son scénariste et dialoguiste, Jacques Prévert. Car dans cet univers rude, marqué par de vieilles croyances, une histoire d'amour tente de s'affirmer malgré une poignée de personnages maléfiques et cruels. Ce sont ceux-là, d'ailleurs, qui sont le mieux campés, par l'étonnant Lucien Coëdel et par une venimeuse Madeleine Robinson. Mention spéciale à Fernand Ledoux, toujours formidable, et dont la présence rappelle un autre film rural, de la même époque, et d'une toute autre envergure, le Goupi mains rouges de Jacques Becker. L'atmosphère s'en rapproche avec ici des conditions climatiques dignes de Maria Chapdelaine. Le film a de très moments et notamment un dénouement grandiose mais dans l'ensemble Christian Jaque a du mal à faire cohabiter réalisme poétique teinté de fantastique et ambiance noire. A cause sans doute d'une fluidité narrative peu satisfaisante due notamment à une surabondance de dialogues.

 

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Untel père et fils, Julien Duvivier, 1940

Achevé aux Studios Victorine en juin 1940, sorti seulement à la Libération, Untel père et fils n'est pas un film aussi mineur de Duvivier qu'on l'a dit, même dans sa version amputée de près de 40 minutes. Chronique familiale d'une guerre à une autre, de 1871 à 1939, le film n'a certes pas une continuité narrative soutenue mais le rythme est vif et l'ensemble est souvent amusant et parfois franchement émouvant. C'est son caractère humain et pacifique qui s'impose plus que patriotique qui ne s'exacerbe qu'à la fin (période oblige). Louis Jouvet, Raimu, Michèle Morgan, Suzy Prim, entre autres, contribuent au plaisir éprouvé devant ce film qui est le reflet des pensées de son époque. Un objet de notre patrimoine, à sa manière.

 

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La piscine, Jacques Deray, 1969

Près de 50 ans après sa sortie, et même en le revoyant après une longue éclipse, La piscine n'a rien perdu de sa fascination toxique. A cause de Romy et d'Alain, sans doute, ancien couple dans la vie mais dont la connivence épidermique saute aux yeux. A cause aussi de ce lieu unique de l'action, non loin de Saint-Tropez, à la fois artificiel, séduisant et inquiétant. Sans oublier qu'une piscine peut d'un moment à l'autre passer de source de plaisir à réceptacle de mort. D'eau douce à eau sauvage. Contrairement à de nombreux films actuels, La piscine prend son temps pour installer une atmosphère, sensuelle d'abord, puis vénéneuse. L'enquête policière, molle par ailleurs, ne rompt pas totalement le charme gardant l'ambigüité jusqu'au bout, amoralité comprise. Enfin, il y a Maurice Ronet, qui n'irradie peut-être pas comme les deux vedettes qui l'entourent mais dont la finesse de jeu est une fois de plus admirable.

 

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Les amants maudits, Willy Rozier, 1952

Un garçon de café se rêve en caïd de la pègre. Un jour, il passe à l'acte. Les amants maudits ressemble à une série B américaine, avec beaucoup de talent en moins. L'histoire est racontée par un policier à un scénariste qui veut en faire un film mais attention, à mettant l'accent sur l'amoralité des truands. Une façon aussi de donner un peu de crédibilité documentaire, un peu à la manière de Dassin dans ses films noirs. Bon, la mise en scène de Willy Rozier est loin d'être au niveau et on frise parfois le navet pur et simple, malgré les rebondissements narratifs. L'interprétation, avec aucun nom connu, est assez quelconque. Ce film, à l'instar de nombreux policiers tournés au début des années 50, n'a pas grand chose à offrir. Ce n'est qu'un Bonnie and Clyde au rabais.



28/05/2018
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