Carrousel de vieux films (Mai/2)
Merlusse, Marcel Pagnol, 1935
En 1935, Marcel Pagnol a déjà tourné Angèle mais pas encore ses films les plus célèbres. Merlusse est un projet modeste, tourné avec des moyens limités et d'une durée d'à peine plus d'une heure. Entièrement réalisé au Lycée de Marseille, il montre la soirée de Noël, repas compris, ainsi que le lendemain matin, d'une poignée d'élèves et de leur surveillant, le terrible Blanchard, surnommé Merlusse, qui outre le fait d'être borgne, semble n'aimer personne et de surcroit exhale une odeur désagréable. Le talent bienveillant de Pagnol renverse le rapport des élèves envers ce personnage a priori désagréable avec un minimum d'effets et l'art de ses dialogues toujours ciselés sans toutefois avoir la brillance de sa trilogie. Un joli conte de Noël, simple et chaleureux, qui prouve qu'on peut faire d'excellents films avec de bons sentiments.
La vie de plaisir, Albert Valentin, 1944
La vie de plaisir et Le corbeau connurent le même sort à la Libération : interdits. Et leurs metteurs en scène empêchés de tourner. Le belge Albert Valentin s'en remit moins bien que Clouzot et ne tourna plus que deux films insignifiants. La vie de plaisir est un film remarquable, critique assez violente de la noblesse, du monde des affaires, de l'arrogance sociale des nantis et même de l'Eglise. Son scénario est excellent avec une mise en perspective dans un deuxième temps de scènes montrées un peu plus tôt dans le déroulement de l'action. Si les deux acteurs principaux, Albert Préjean et Claude Génia ne font pas preuve de grand charisme, le reste de l'interprétation est extrêmement solide avec Clariond, Roquevert et Servais. La mise en scène de Valentin, fine et élégante, et l'ironie constante des dialogues ravissent dans un film qui reste l'un des meilleurs parmi les 30 tournés sous l'Occupation pour la compte de la firme Continental.
Pierre et Jean, André Cayatte, 1943
La carrière de cinéaste d'André Cayatte a débuté sous l'Occupation au sein de la Continental Films. Son troisième long-métrage, immédiatement tourné après Au bonheur des dames, est à nouveau une adaptation d'un grand roman, le troisième de Maupassant. C'est une petite merveille narrative, un film admirable scindé en deux époques à une vingtaine d'années de distance : l'adultère puis la rivalité entre deux frères. Un magnifique portrait de femme qui sacrifie l'amour de sa vie pour ses enfants, au côté d'un mari rustre et fruste (Noël Roquevert, excellent). Renée Saint-Cyr est sublime de vibrations contenues et tire les larmes dans une scène où elle explique sa faute passée à l'un de ses fils. Concis (70 minutes), le film respecte l'ambiance naturaliste du roman et sa cruauté. A noter que Bunuel en tournera une version plus éloignée de l'original avec Une femme sans amour.
Le journal tombe à cinq heures, Georges Lacombe, 1942
Privés de cinéma américain sous l'Occupation, les spectateurs français se virent offrir des substituts français comme cette comédie de Georges Lacombe qui rappelle certains Capra. Ici, une jeune apprentie dans le journalisme et un vieux routier reporter s'opposent et se chamaillent avant évidemment de tomber amoureux l'un de l'autre. L'occasion de montrer la vie d'un quotidien au jour le jour, de façon assez outré parfois mais avec de vrais accents de vérité et des personnages très pittoresques. Le film passe aisément de la comédie au drame voire au thriller avec un final haletant. L'interprétation est brillante, dominée par Pierre Fresnay, Marie Déa et Pierre Renoir. Et comme dans tous les films de cette période, les rôles secondaires ont une grande importance, tenus par des pointures : Blier, Dorziat, Roquevert, Larquey ...
Les mutinés de l'Elseneur, Pierre Chenal, 1936
Adapté de Jack London, dialogué par Marcel Aymé, Les mutinés de l'Elseneur se situe entre Crime et châtiment et L'homme de nulle part dans la carrière de Pierre Chenal. Ce n'est pas son meilleur film, c'est une évidence, et le scénario tient difficilement la route mais son atmosphère rugueuse et l'interprétation de seconds couteaux du cinéma français vaut le détour. Surtout avec un Le Vigan en grande forme, agitateur patenté de ce baril de poudre qu'est l'équipage de ce voilier dont on ne sait trop ce qu'il transporte. Une petite romance avec la nièce du capitaine vient égayer cet univers très viril. L'actrice danoise Winna Winfried, qui avait débuté dans La nuit du carrefour de Renoir, n'a tourné que dans 8 films. Aux dernières nouvelles, elle est toujours vivant, âgée aujourd'hui de 104 ans.
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