Cinéphile m'était conté ...

Le navire blanc (La nave bianca), Roberto Rossellini, 1941

Le premier long-métrage de Roberto Rossellini fait partie d'une série de films "patriotiques" commandités par la marine italienne en pleine seconde guerre mondiale. Les comédiens sont tous amateurs et jouent leurs propres rôles de marins, d'officiers et d'infirmières. Ce côté documentaire est renforcé par de nombreux plans de combat tirés des actualités. L'aspect fictionnel de l'ensemble se réduit à une gentille histoire de marin blessé qui retrouve par un heureux hasard sa marraine de guerre devenue infirmière. Un film de propagande, donc, mais celle-ci relativement légère dans lequel Rossellini fait ses armes, c'est le cas de le dire, avant de tourner Un pilote retourne et L'homme à la croix qui sont d'un niveau équivalent. La réalisation est assez solide avec quelques plans à la Eisenstein. C'est moyen mais honorable, loin, bien loin d'un film aux visées équivalentes, Ceux qui servent en mer, le premier film de David Lean, coréalisé avec Noel Coward, au scénario autrement plus étoffé.

Le passé ne meurt pas (Easy Virtue), Alfred Hitchcock, 1928

Un Hitchcock muet loin d'être mémorable pour cause de scénario peu développé mais néanmoins appréciable pour son fond de malice. Sir Alfred épingle avec bonheur les rites du mariage et du divorce (!) ainsi que les hypocrisies de l'Angleterre mondaine, intolérante et vertueuse (!). Réalisation plutôt sage mais une scène vaut le détour : celle où l'acceptation d'une demande en mariage nous est uniquement transmise par les mimiques d'une standardiste !

A l'est de Shanghai (Rich and Strange), Alfred Hitchcock, 1931

Après des débuts placés sous le signe de la comédie matrimoniale, le film se poursuit sous la forme d'une croisière vers l'Orient qui voit le couple se fissurer. Après être passé par la case du film catastrophe, tout se terminera le plus sereinement du monde dans cette bonne vieille ville de Londres. Outre un son souvent défaillant et des transparences plutôt grossières, et sans même parler d'une certaine condescendance à l'égard des chinois, mais c'est l'époque qui veut cela, le film est globalement médiocre y compris dans son interprétation et sa mise en scène, preuves que Hitchcock s'y est sans doute peu investi.

Nostalghia, Andreï Tarkovski, 1983

Premier film de Tarkovski tourné loin de la Russie, et avant-dernier de son auteur, Nostalghia est considéré comme l'un de ses plus exigeants et des plus pessimistes. On y retrouve cependant des éléments familiers de son cinéma : la brume, l'eau et les chiens ... Malgré des images splendides, mélange de couleur et de noir et blanc, et des travellings somptueux, l'ennui guette cependant celui qui n'a jamais adhéré à ce cinéma à la fois sensoriel et intellectuel. C'est comme s'il y avait un prix à payer à l'entrée, faute de quoi seuls les élus y ont accès. Tant pis.

Nicholas Nickleby (The Life and Adventures of Nicholas Nickleby), Alberto Cavalcanti, 1947

Un roman de Dickens, la production des célèbres studios Ealing, la réalisation d'Alberto Cavalcanti, cinéaste trop peu estimé : trois raisons pour ne pas prendre ce Nicholas Nickleby à la légère. Le fait est que le film n'a pas eu un énorme succès, public ou critique, coincé qu'il était entre deux somptueuses adaptations de Dickens, signées David Lean et sorties peu avant et après : Les grandes espérances et Oliver Twist. Nicholas Nickleby, dense ouvrage résumé en 105 minutes, est devenu un mélodrame très appuyé et manichéen où les méchants se taillent la part du lion et où les gentils sont un peu mièvres. La photographie très brillante ne compense pas l'inégalité des interprétations. Il manque au film un acteur du talent d'un Alec Guinness pour s'élever au-dessus de sa condition d'oeuvre simplement honnête.