Butin de vieux films (Janvier/2)
Secret Lives, Edmond T. Gréville, 1937
D'origine allemande mais habitant en France depuis 20 ans, Lena Schmidt est incarcérée alors que la Première guerre mondiale éclate. Les services secrets l'obligent à travailler pour eux. Film tourné en Angleterre par Gréville qui hérite d'un script totalement impossible et pas plausible une seule minute. Vaguement inspiré par Mata Hari, mais haché par un montage sans queue ni tête, Secret Lives ne possède aucune cohérence et propose comme intérêt majeur de voir l'actrice allemande Brigitte Horney se livrer à une imitation plutôt ridicule de Marlene Dietrich. Rien à sauver ou presque de ce film dispensable d'un réalisateur pourtant (parfois) intéressant.
La berceuse de la grande terre (Daichi no komoriuta), Yasuzo Masumura, 1976
Une orpheline, qui a grandi à la campagne, est vendue à une maison close après la mort de la vieille femme qui l'a élevée. Au milieu des années 70, Masumura n'est plus que l'ombre du grand cinéaste qu'il a été plus tôt. La berceuse de la grande terre, avec son récit aussi farouche et rebelle que la jeune fille qui en est l'héroïne, parvient cependant à retenir l'attention par son entêtement à l'intranquillité et son caractère hautement dramatique heureusement rehaussé par une énergie permanente. Ce portrait d'une enfant déchue, soumise aux vices et aux turpitudes de ses semblables, recèle un caractère très japonais, notamment dans l'évocation du monde de la prostitution déjà très présent chez Mizoguchi. Mais Masumura fait partie d'une nouvelle vague de cinéastes qui a rompu avec un certain classicisme depuis longtemps. A l'instar d'un Imamura, d'un Oshima ou d'un Yoshida, trois réalisateurs auxquels on pense durant le film.
Le policier Azoulay (Ha-shoter Azulay), Ephraim Kishon, 1971
Azoulay est un policier de Jaffa incompétent, mais au coeur tendre. Ses supérieurs souhaitent le mettre à la retraite plus tôt que prévu. Journaliste, écrivain, humoriste, Ephraim Kishon a réalisé 5 films qui ont contribué à faire connaître le cinéma israélien, en particulier dans une veine comique et satirique qui le rendit très populaire. Le policier Azoulay fut même nommé à l'Oscar du film étranger l'année où Le jardin des Finzi Contini l'emporta. Le scénario est assez amusant et pointe du doigt certains dysfonctionnements sociaux mais la forme est plutôt laborieuse avec des effets censés être drôles et relativement anodins. Tout du moins pour un public occidental. Le film est resté un classique en Israël.
L'ogre d'Athènes (O drakos), Nikos Koundouros, 1956
Thomas, petit employé de banque insignifiant, passe seul les fêtes de fin d'année. Il est le sosie d'un criminel endurci, « l'ogre d'Athènes ». Il est poursuivi par la police et protégé par la pègre. Etrange film somnambule qui est considéré comme le premier film d'auteur grec. Si dans la forme, il évoque le néoréalisme italien, c'est au film noir qu'il fait penser par son découpage expressionniste. L'intrigue est mince, l'atmosphère poisseuse, la vérité sociale peu agréable à voir et elle déplut d'ailleurs à ceux qui avaient une autre image des classes pauvres grecques. Il y a quelque chose de terrible et de fascinant dans cette chute volontaire d'un homme sans qualités, au profil quasi dostoïevskien. Cela se termine comme une tragédie grecque, évidemment.
Meurtre à l'asile (Matto regiert), Leopold Lindtberg, 1947
Le directeur d'un asile psychiatrique est retrouvé dans une cage d'ascenseur après une dispute avec son médecin-chef à propos d'un malade. Ce dernier semble le suspect idéal. C'est la deuxième adaptation par Lindtberg d'un roman policier de Friedrich Glauser, le Simenon suisse, qui connut une vie erratique, entre prison et asile psychiatrique, avant de mourir à 42 ans. Glauser connaissait parfaitement l'établissement où se concentre l'action de son roman et le film lui est très fidèle. Outre l'enquête policière, digne d'un Agatha Christie, Meurtre à l'asile est remarquable pour sa description de cet univers psychiatrique, en évitant tous les clichés, et en insistant sur la fine épaisseur qui sépare les "fous" des "normaux". Excellente interprétation, mise en scène précise : le film est à la hauteur du talent du meilleur cinéaste suisse du début de l'après-guerre dont l'oeuvre est à (re)découvrir.
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