Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Bonjour Kinuyo Tanaka

La princesse errante (Ruten no ohi), Kinuyo Tanaka, 1960

Premier film en couleurs de Kinuyo Tanaka, tiré des mémoires de l'épouse du frère de l'empereur de Mandchourie. Une vie tumultueuse et marquée par une longue marche après la deuxième guerre mondiale. Plus que correctement réalisé, avec une maîtrise remarquable des scènes de foule et de combat, le film épouse un certain classicisme dans le récit de cette vie singulière, avec un penchant final pour le mélodrame. Trop linéaire et pas assez approfondi, hélas, avec des événements tragiques qui surviennent de manière inopinée (la dépendance à l'opium de l'impératrice, la mort de la fille de l'héroïne ...).

 

Maternité éternelle (Chibusa yo eien nare), Kinuyo Tanaka, 1955

Dans le troisième film réalisé par Kinuyo Tanaka, il est assez fascinant de voir à quel point elle pousse le curseur du mélodrame très loin, surtout dans les dernières scènes, sans pour autant abandonner son trait élégant. Ce n'est qu'un an après la mort de la jeune poétesse dont elle s'est inspirée pour son scénario que la cinéaste filme ce portrait d'une femme à l'indicible courage, mère de famille, divorcée et atteinte par un cancer du sein. Le film aborde le thème de la maladie et de l'approche de la mort de manière directe, traitant aussi de la féminité et de l'institution du mariage avec une vraie sincérité. Grande actrice et réalisatrice, en un temps où les femmes étaient rares dans cette profession, Kinuyo Tanaka est une sorte de cousine de Ida Lupino, deux cinéastes audacieuses dans le choix de leurs sujets, que l'on (re)découvre enfin.

 

La nuit des femmes (Onna bakari no yoru), Kinuyo Tanaka, 1961

Le cinquième et avant-dernier film dirigé par Kinuyo Tanaka a pour objet le sort des anciennes prostituées, après la fermeture des maisons closes. Un parcours de vie qui passe par une réhabilitation et un nouveau travail mais qui n'est pas aisé comme le montre le cheminement de Kinuyo, l'héroïne du long-métrage, sans cesse rappelée à son passé honteux. Le scénario, signé Sumie Tanaka (sans relation familiale avec la réalisatrice), qui a beaucoup collaboré avec Mikio Naruse, n'est pas exempt de "facilités" dans un registre mélodramatique convenu mais Kinuyo Tanaka transcende le sujet par la qualité de sa mise en scène et surtout son attention apportée à la direction d'actrices. La fin de La nuit des femmes est amère mais moins pessimiste que celle du roman dont le film est adapté.

 

La lune s'est levée (Tsuki wa noborinu), Kinuyo Tanaka, 1955

La lune s'est levée, le deuxième long-métrage de Kinuyo Tanaka, coécrit par Yasujiro Ozu, n'est sans doute pas le plus engagé dans sa filmographie. Il débute et se termine par des scènes pastorales montrant les célèbres biches de la ville de Nara, l'ancienne capitale du pays, laquelle s'oppose au chaos de Tokyo par sa quiétude et ses réminiscences du Japon traditionnel. La lune s'est levée est une comédie romantique à plusieurs échelons, concernant les trois filles d'un père veuf, lequel ne se préoccupe guère de leurs amours. Il n'y a finalement que peu d'obstacles au bonheur de ces trois sœurs à part leurs propres difficultés à accepter leurs sentiments profonds. Le film est charmant et fin comme de la dentelle, excellemment réalisé, mais est loin d'atteindre le niveau de certaines réalisations de Kinuyo Tanaka.

 

Mademoiselle Ogin (Ogin-sama), Kinuyo Tanaka, 1962

Le dernier long-métrage réalisé par Kinuyo Tanaka, et le seul en couleurs, nous transporte dans le Japon féodal, au temps de la persécution des chrétiens (fin du XVIe siècle). L'histoire est limpide, mélodramatique ma non troppo, féministe aussi, et extrêmement bien mise en scène et interprétée même s'il est évident que le film aurait pu devenir une saga encore plus éblouissante, avec davantage de moyens et au moins une heure de plus. Tel quel, il s'agit tout de même d'un superbe accomplissement, qui fait regretter que Tanaka n'ait pas dirigé quelques films de plus. Mademoiselle Ogin, où le thé a un goût amer, n'a certes pas la somptuosité d'un Mizoguchi ou la virtuosité d'un Kurosawa mais cela reste du nanan pour les amateurs de cinéma japonais.

 



15/02/2022
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 50 autres membres