Biarritz Latino (4)
Los de abajo de Alejandro Quiroga, Bolivie
Pas facile d'être cinéaste en Bolivie. Il faut déjà réussir à financer son projet et, dans le meilleur des cas,
s'attendre à ce que son film tourne dans les festivals du monde entier, en espérant avoir une sortie locale
qui, de toutes les manières, n'attirera qu'un maigre public, régulièrement biberonné aux blockbusters
américains. Alejandro Quiroga n'ignore rien de tout cela mais il s'est malgré tout obstiné à ce que Los de
abajo voit le jour, même si 10 ans ce sont écoulés entre l'écriture et les premières projections. Le sujet lui
est très personnel, puisque se déroulant sur les terres de sa famille, quelque part au sud de la Bolivie,
non loin de la frontière argentine. Une manière d'attirer l'attention sur une région peu connue de son pays
(Quiroga aime à rappeler que, contrairement à une croyance répandue, seul 1/3 du pays peut être qualifié
d'Andin) et surtout de l'inégalité de l'accès à l'eau, à la campagne, une ressource essentielle pour les
agriculteurs. Le héros de Los de abajo, bourru et guère sympathique, mène ainsi un combat presque perdu
d'avance face à la corruption des plus puissants et à l'indifférence des autres. Le film traite un sujet
éminemment politique par le prisme de l'intimisme mais a du mal à enthousiasmer, faute d'une vraie clarté
et fluidité dans sa narration, ponctuée de scènes courtes et contemplatives qui ne permettent pas de
s'intéresser outre mesure à ce malheureux paysan privé d'eau. Dommage, un peu plus d'empathie envers
son personnage principal et des dialogues davantage signifiants auraient pu largement aider.
Un pájaro azul de Ariel Rotter, Argentine
Dans ses interviews, Ariel Rotter (Un homme charmant), sans doute le plus fin parmi les cinéastes argentins de sa génération, déclare aimer les films "incomplets." Entendez par là, des récits qui entretiennent un certain flou quant aux motivations de leurs personnages et des situations qui peuvent être interprétées de différentes manières. Sous des dehors a priori légers, auxquels il ne faut pas se fier, Un pájaro azul fait l'éclatante démonstration de l'art d'Ariel Rotter, dans un portrait contrasté de son héros, tour à tour amant (infidèle), (presque) père, fils et collègue de travail. Avec ses dialogues incisifs et son humour discret, le film fait parfois penser au Woody Allen de la grande époque, une touche mélancolique en plus. C'est le côté fragile et flottant de son personnage principal, toujours vêtu de bleu, qui amuse et émeut, à travers également son couple avec son inlassable désir d'enfant, qui traverse une zone de turbulences ou, pour filer la métaphore avec le titre du film, commence à battre de l'aile. Un pájaro azul possède un charme indicible et son incomplétude y est pour beaucoup, surtout avec un interprète aussi talentueux que Alfonso Tort.
El otro hijo de Juan Sebastián Quebrada, Colombie
Jeune réalisateur colombien, Juan Sebastián Quebrada a été profondément marqué par la mort de son frère, il y a 9 ans. Son premier long-métrage (après un film de fin d'études et un court) ne pouvait manquer d'évoquer ce drame personnel, même si à la part autobiographique de l’œuvre est sans doute mêlée d'une part de fiction, difficilement quantifiable. Ce film de deuil, très émouvant et souvent impudique, ne tombe heureusement jamais dans un sentimentalisme appuyé et s'abstient de tout jugement des réactions très contrastées des proches du défunt, à savoir ses parents, sa petite amie et surtout son frère, très proche de lui. La vie continue et c'est à chacun de s'armer à sa manière pour l'affronter, entre solitude et solidarités familiale et amicale. El otro hijo s'impose par sa profondeur psychologique, la qualité de son interprétation et une mise en scène tout en finesse, avec ses pleins et ses déliés, à la fois élégante, fluide et au plus près des corps et des visages. Les dialogues en disent moins long que les silences et les postures. Assez différent de la plupart des métrages colombiens vus ces dernières années, de par le statut social, plutôt privilégié, de ses protagonistes, El otro hijo n'en a pas moins un impact fort, sur un sujet universel, celui de la mort d'un être aimé, traité avec la force sereine des peines jamais oubliées mais constitutives d'une reconstruction nécessaire pour aller de l'avant.
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