Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Ask who ? Asquith !

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Fils d'un premier ministre, Anthony Asquith commence seulement aujourd'hui à être considéré comme l'un des plus grands réalisateurs britanniques. A l'image de certains cinéastes français voués aux gémonies par la Nouvelle Vague, il a subi de plein fouet les attaques des tenants du Free Cinema qui lui reprochaient son académisme et sa froideur. Une thèse qui ne tient plus la route même s'il n'a pas tourné que de grands films. Asquith a commencé au temps du muet, à peu près à la même époque que Hitchcock qui l'éclipse totalement dans les années 30. Plus tard, ce seront Lean, Reed et Powell qui auront les faveurs des cinéphiles avant que de jeunes turcs (Schlesinger, Reisz, Richardson, Anderson, ...) ne viennent débrider le cinéma britannique au début des années 60. Ses derniers films, jusqu'à 1964, témoignent de l'abdication d'Asquith qui tourne des coproductions internationales sans caractère (Les dessous de la millionaire, La Rolls Royce jaune).

Mais sa carrière a été longue et les bons films abondent : Pygmalion (38), Cottage à louer (41), Le chemin des étoiles (45), Winslow contre le roi (48), Cour martiale (56), etc. Sans oublier son chef d'oeuvre : L'ombre d'un homme (51)

TCM a eu la bonne idée de programmer récemment une grande partie des films d'Asquith dont certains peu connus et/ou peu diffusés. C'est avec plaisir que l'on se replonge dans l'oeuvre de ce cinéaste modeste qui s'est toujours effacé derrière ses sujets.

 

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Lucky Number (1932)
Un ancien footballeur et sa dulcinée cherchent par tous les moyens à retrouver un ticket de loterie gagnant. Tiens, ce pitch rappelle un chouette film de Jacques Becker. Celui-ci l'est aussi, charmant, comédie romantique émaillée de 1001 péripéties, de gags gentillets et de chansons. Asquith, 30 ans, a déjà une certaine expérience dans la mise en scène et il rivalise sans peine, quoique de façon moins sophistiqué, avec ses homologues américains. Pour la petite histoire, et les aficionados, on aperçoit quelques stars de l'époque de l'équipe d'Arsenal et son ancien stade. Sans prétention et pétillant, un film très british qui est divertissant de bout en bout.

Radio libre (Freedom Radio, 1941)
En 1939, un médecin viennois entre en rébellion contre le système totalitaire qui élimine sans pitié les ennemis du Reich et met au point une radio pirate. Film de propagande particulièrement bien réalisé, en dépit d'un manque de moyens criant. Il est très efficace dans la démonstration d'un pays vivant dans la peur et de la manipulation de masse. Bien entendu, tout le monde parle un anglais parfait mais il faut passer outre cet écueil et imaginer les conditions de tournage en pleine guerre à un moment où les nazis volent de victoires en victoires.

Plongée à l'aube (We dive at dawn, 1943)
Un sous-marin a pour mission de couler un cuirassé allemenand. Mais il se retrouve vite à cours de carburant. Un des nombreux films de guerre britanniques qui ont été tournés à cette période. Celui-ci évoque immanquablement In which we serve de David Lean, bien meilleur dans la description minutieuse de la vie de ces soldats. Mais Plongée à l'aube est un film solide, avec quelques pointes d'humour et une véritable efficacité dans les combats. Qui plus est, il ne fait pas de ces hommes des héros et évite les écueils habituels des films de pure propagande.

Winslow contre le roi (The Winslow Boy, 1948)
Le combat d'un père pour restaurer l'honneur de son fils après son renvoi de l'école militaire suite à une accusation de vol. L'affaire se passe dans l'Angleterre de l'immédiat avant-guerre de 14 et ne tend qu'à faire infuser cette idée : "Le bien doit triompher." Ce mélange d'humanité, de dignité et de justice, pour laquelle certains sont prêts à donner leur sang est récurrent dans bon nombre de films britanniques, y compris dans ceux d'Asquith (The Browning Version). Winslow contre le roi est passionnant de bout sur une thématique qui rappelle les meilleurs Capra. Et émouvant, sans mièvrerie, cela va sans dire, flegme british oblige. Robert Donat en avocat à la froideur apparente est absolument génial.

M7 ne répond plus (The Net, 1953)
Dans une base top secrète isolée un groupe de savants met la dernière main à un projet d'avion révolutionnaire. L'atmosphère entre les scientifiques est plus que tendue d'autant que l'un d'entre eux est assassiné. The Net est une sorte de réponse au film de David Lean, tourné un an auparavant avec la collaboration du scénariste habituel d'Asquith : Le mur du son. Le réalisateur n'est pas des plus à l'aise avec son intrigue claustrophobe et l'identité du traitre qui sévit parmi les scientifiques est vite découverte. Deux histoires d'amour viennent parasiter le suspense mais, en contrepartie, les séquences supersoniques, en vol, sont assez impressionnantes.

Evasion (The young Lovers, 1954)
Coup de foudre entre un membre de l'ambassade américaine à Londres et la fille du représentant du du Soviet Suprême. Les deux amoureux s'aperçoivent rapidement que toute romance entre blocs ennemis est impossible aux yeux de leurs supérieurs. Le film commence de façon un peu niaise mais Asquith a raison d'insister. Une histoire plus forte que la guerre froide ? Et pourquoi pas ? Le suspense final n'a rien à envier à ceux d'Hitchcock. Notre petite française, Odile Versois, est exquise dans cette version de Roméo et Juliette qui s'emballe sur la musique du Lac des cygnes.

Cour martiale (Carrington V.C, 1956)
Héros de la seconde guerre mondiale, le major Charles Carrington est accusé de détournement de fond par le commandant de son unité. Le procès militaire commence et seul le témoignage de sa femme semble être en mesure de le disculper. D'un thème au départ anodin, Asquith réussit à faire un suspense remarquable et, surtout, une oeuvre humaniste de premier plan qui n'est pas sans rappeler L'ombre d'un homme. Au-delà du questionnement de l'autorité et de la justice, le film livre également une subtile analyse du couple, de son ciment, la sincérité, et des fautes parfois bénignes qui le mettent en danger. Et le tout dans un simple film de procès qui n'est pas loin d'être un chef d'oeuvre avec un David Niven prodigieux.

 

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11/04/2015
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