Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Pédalage dans la semoule (Le gamin au vélo)

Beaucoup d'analystes ont noté, à juste titre, que Le gamin au vélo est le film le moins noir, ou le plus tendre, si l'on préfère, des frères Dardenne. En revanche, ce qui est moins souligné, c'est qu'il s'agit de leur scénario le moins abouti et qui pêche, au moins en deux endroits, par des incohérences ou, autrement dit, par des facilités gênantes qui rendent le récit peu crédible dans son déroulement. Primo, quand Cécile de France (impeccable, par ailleurs) accepte d'accueillir ce gosse à problèmes sans l'ombre d'une hésitation. Dans leur cinéma social, le duo belge n'aime généralement pas s'embarrasser de considérations psychologiques, mais là, l'ellipse est un peu grosse. Secundo, quand le gamin en question, démon sympathique et fragile, obnubilé par l'image du père, après avoir commis une grosse connerie, devient soudain un ange sage comme une image voguant vers un happy end pas très convaincant. Pour le reste, on y retrouve l'univers habituel des Dardenne, avec quelques moments de vérité qui renvoient au cinéma de Pialat, avec une image plus que lumineuse que d'ordinaire et une utilisation nouvelle de la musique, surprenante et pas spécialement bienvenue. Paradoxalement, leur film le plus optimiste depuis leurs débuts est peut-être bien également leur moins achevé. Ce gamin au vélo ne pédalerait-il pas un peu dans la semoule ? La preuve : il n'a pas obtenu la Palme d'or à Cannes, seulement le Grand prix du jury (oups).


23/05/2011
8 Poster un commentaire

Confusion et manipulation (Stone)

En soi, le sujet de Stone n'est pas si mauvais. Il y est question de la confusion qui règne dans l'âme de chacun d'entre nous et de la mince frontière qui sépare le bien du mal. Pas original, soit, mais on a vu des thèmes bien moins excitants donner des résultats épatants. Mais pas ici, hélas. Très rapidement, après une entrée en matière honnête, le film de John Curran emprunte un cheminement qui est, pour le coup, terriblement confus. Edward Norton (en mode cabotin), veut être libéré sur parole, décision qui dépend en grande partie de Robert de Niro (version assoupie), lequel va être séduit par la femme du premier nommé (Milla Jovovich, la seule à tirer son épingle du jeu). Le jeu de la manipulation est en route, on a bien compris, mais le scénario est tellement brumeux, et verbeux, par-dessus le marché, qu'il en devient quasi indéchiffrable sur le plan psychologique. Là-dessus, se greffe un épouvantable prêchi-prêcha religieux dont on ne sait s'il est ironique ou juste là pour agacer les dents du spectateur qui n'en demandait pas tant. Norton devient mystique, de Niro se révèle un puritain sali par le péché (la faute à Jovovich) et tout se termine en eau de boudin. Dilué dans la prétention, filmé sans grâce, Stone n'a été qu'un long chemin de croix. A ranger très vite dans les films ni faits, ni à faire.

 


21/05/2011
0 Poster un commentaire

Arrête, ça Mexique ! (0)



Arrête, ça Mexique !
Prélude

10 jours pleins, de Mexico à Cancun. Lever à l'aurore, coucher avec comme les poules. Des tas de choses à voir, des tas de trucs à boire. Ici commence le voyage au pays des sombres héros ...

Je me souviens :

- de Patricia, Nadia, Suzon, Chantal et ... des autres
- de la soupe traditionnelle du dîner
- d'Enrique, guide ; de Jorge, chauffeur
- d'avoir lu le quotidien Milenio qui recensait 40 morts violentes par jour (minimum)
- des fresques de Rivera
- de ne pas avoir visité la maison de Trotsky
- de la visite trop rapide du musée anthropologique
- d'une très jolie mariée (encore !)
- des galettes de maïs et des piments (aïe)
- de la place des trois cultures
- du pulque, du mezcal et de la tequila
- d'avoir suivi dans les journaux la grande marche pour la paix organisée par le poète Javier Sicilia
- des 248 marches du temple du soleil à Teotihuacan
- de la jolie Montserrat, guide dans une exploitation de café
- des jardins flottants de Xochimilco (kitsch)
- des ruines de la maison d'Hernan Cortes à Antigua
- du peu d'attrait de Veracruz
- de quelques marques de bières : Sol, Bohemia, Dos Equis, Montejo, Sol, ...
- d'avoir entendu des commentaires péremptoires de mexicains au sujet de Florence Cassez
- des pêcheurs du lac de Catemaco
- d'un crocodile, de vautours et de cormorans. Mais pas de toucans !
- des vins rouges de la maison Domecq
- de deux petits villages indiens près de San Cristobal de las Casas
- des femmes en noir du Chiapas
- d'une bonne bière pression, une nuit, à San Cristobal

- d'un petit déjeuner dans un "restaurant" à l'hygiène douteuse, à proximité de cochons gratteurs
- d'un moment de sérénité aux chutes d'Agua Azul
- du superbe site de Palenque, au milieu de la jungle
- d'un bain dans le golfe du Mexique, sous l'oeil protecteur de pélicans
- de la visite bâclée de Campeche
- d'avoir enfin tâté du mezcal à Mérida
- d'un tee shirt vert acheté à Uxmal
- du poulet cuit à l'étouffée dans ses épices : le pollo pibil
- d'avoir appris que Mussolini devait son prénom à Benito Juarez
- du grand cirque commercial de Chichen Itza
- d'avoir enquillé, un soir, mojito, margarita, pina colada et daiquiri (avec modération)
- d'un bal nocturne en plein air à Valladolid
- d'avoir observé, avec curiosité, les "ghettos" touristiques de luxe de la périphérie de Cancun
- de m'être dit : tiens, j'ai vu des aztèques à point et des mayas, la veille
- d'avoir siffloté La Cucaracha, Mexico (Luis Mariano) et l'air du "gringo" de Jacques Vabre
- d'avoir dormi comme un loir dans l'avion du retour

21/05/2011
2 Poster un commentaire

Ce cirque politique (La conquête)

Tout d'abord, saluer le culot (le courage ?) de Xavier Durringer et de son scénariste, Patrick Rotman. Il est rare, pour ne pas dire inédit, que le cinéma français ose s'attaquer à notre histoire récente. Ceci posé, il est évidemment difficile de prendre La conquête pour un film de fiction. Et comme ce n'est pas un documentaire, non plus, on est bien en peine pour définir cet objet hybride, qui tient de la comédie de moeurs (politiques), réaliste autant que faire se peut, avec un côté caricatural assumé, dans ces portraits de grands fauves ivres de pouvoir : Sarkozy, l'opportuniste ; Chirac, le lion édenté ; Villepin, le playboy fourbe. Une vrai cirque que cette chronique pertinente et impertinente, qui n'apprend rien de fondamentalement neuf et qui se déguste pourtant comme un western spaghetti. Sauf qu'il y a des brutes et des truands, et pas vraiment de bons. Si le candidat Sarkozy n'est pas ménagé, il n'est pas non plus accablé. Durringer s'appuie sur les faits, accentue les traits de caractère et garde une sorte de neutralité, du moins en apparence. Le film est truffé de bons mots (un peu trop) et de vacheries en tous genres. Il n'a pas la prétention de proposer une analyse politique pointue, plutôt de montrer que l'exercice du pouvoir est un sport de combat, un mélange d'escrime et de sumo, et que ceux qui le pratiquent sont des monomaniaques pour lesquels tous les moyens sont bons. Les aspects privés de la vie de Sarko, loin d'être anecdotiques, constituent un contrepoint intelligent et plus subtil qu'il n'y parait. En ce sens, le personnage de Cécilia, très fouillé, donne au film une vérité et une humanité qui élargissent son spectre. Florence Pernel est remarquable dans le rôle, au diapason d'un Podalydès étonnant, moins dans l'imitation que dans le mimétisme. On sera plus réservé pour Le Coq (Chirac) et Labarthe (Villepin), certes brillants, mais dont la prestation est proche des marionnettes des Guignols. En définitive, ce
drôle de film est avant tout drôle (inquiétant, aussi) et certainement pas inutile, même s'il a peu de chance de faire changer d'opinion les pro ou anti-sarkozystes. Au demeurant, ce n'était certainement pas le but de Durringer. 


21/05/2011
5 Poster un commentaire

Le coeur du monde (Sept histoires qui reviennent de loin)

Tiens, tiens, l'auteur de L'abyssin, abonné aux pavés d'espionnage et d'aventures, se lance pour la première fois dans l'écriture de nouvelles. Connaissant le bonhomme, et son oeuvre, on s'attend à voyager loin et à surfer entre exotisme et vision du monde. Vrai et faux, à la fois. Si plusieurs récits nous transportent aux quatre coins de la planète : Maurice, Sri Lanka, Mozambique ..., Rufin s'attache avant tout à des personnages, au gré d'histoires profondément humaines, qui révèlent des failles, des nostalgies et des espoirs qui ne veulent pas mourir. Dans ces Sept histoires qui reviennent de loin, forcément d'un intérêt inégal, la meilleure, et de loin, est la toute dernière, la moins spectaculaire de toutes, qui se déroule dans un train Corail entre Paris et le Luxembourg. Un dialogue entre deux inconnus, l'ébauche d'une connivence et une très belle conclusion qui touche en plein coeur et amuse en même temps. Mais la vraie surprise de ces nouvelles, c'est le style de l'auteur. Débarrassé de l'efficacité anonyme de ses best sellers, Rufin laisse dériver sa plume aussi bien dans l'ironie que la cocasserie, teintées de fantastique ou de poésie, à l'occasion. Où l'on découvre, presque étonné, que le romancier à succès est, aussi, un écrivain subtil et délicat.

 


21/05/2011
0 Poster un commentaire

Adultère et mélancolie (Juste entre nous)

Rajko Grlic est un vétéran du cinéma croate dont la carrière est marquée par un certain éclectisme. A quoi doit-on la distribution française de son dernier long-métrage, Juste entre nous, alors que le reste de sa filmographie nous est inconnu ? Mystère. Peut-être à la présence de Miki Manojlovic, immense acteur, encore une fois excellent ici. Il est l'un des personnages principaux de cette tranche de vie(s) zagreboise, dans le milieu de la petite bourgeoisie, qui pratique le mélange des genres, entre comédie et drame, dans une tonalité douce/amère, traversée de moments d'érotisme cru et à l'amoralité tranquille. Ce n'est rien d'autre que le destin croisé de deux frères, deux épouses, une maîtresse et d'enfants dont le père n'estpas nécessairement celui que l'on croit. Le scénario n'a rien d'époustouflant, mais le montage est intelligent, avec ses révélations successives,et lui donne un certain cachet de même que la tendresse que montre Grlic pour les faiblesses de ses personnages masculins, experts ès adultère. D'un autre côté, le cinéaste reste à la surface des sentiments et sa mise en scène est hélas d'une fadeur constante. On peut néanmoins se laisser prendre à la suave mélancolie qui s'exhale du film, nonobstant son émolliente paresse. Sans pour autant lui accorder davantage qu'un intérêt poli.


20/05/2011
2 Poster un commentaire

Coucher avec tout ce qui bouge (L'agenda des plaisirs)

Révélée en France par Babyji, roman coquin et shocking dans le contexte indien, Abha Dawesar est devenue une auteure plus qu'estimable avec ses deux ouvrages suivants, bien plus ambitieux, Dernier été à Paris et L'Inde en héritage. Restait à connaître son tout premier roman, Miniplanner, paru en 2004, et qui vient d'être édité par Héloïse d'Ormesson sous le titre de L'agenda des plaisirs. Il est toujours intéressant de se pencher sur les débuts d'un écrivain, même a posteriori, pour y découvrir soit un talent déjà affirmé, soit les prémices d'une belle oeuvre à venir. L'agenda des plaisirs, pour être honnête, n'a l'une ni l'autre de ces qualités. Dénué de style, le livre marque surtout par sa crudité sexuelle dans le cadre d'un marivaudage qui ferait passer Les liaisons dangereuses pour un livre de la Comtesse de Ségur. André Bernard, son héros, a en effet une activité charnelle débridée, couchant avec tout ce qui bouge, tous sexes confondus. L'affaire n'est pas simple quand on entretient une liaison torride avec son propre supérieur hiérarchique et qu'on batifole en même temps avec l'épouse de celui-ci, n'est-ce pas ? Le livre n'est pas déplaisant, il est simplement un peu répétitif entre galipettes aux détails explicites et angoisses existentielles de son personnage principal, dont l'hypervitalité sexuelle est épuisante.


20/05/2011
6 Poster un commentaire

2011, Odyssée de l'espèce (The Tree of Life)

Jusqu'ici, Terrence Malick avait réalisé un quasi sans faute, y compris avec son excellent premier film, La balade sauvage, trop peu souvent évoqué. Et puis voilà, est arrivé The Tree of Life, qui divise, à juste titre, et laisse hagard, hébété, comme si un immeuble de dix étages vous était tombé sur la tête. Et à ceux qui avouent avoir dû lutter contre le sommeil une grande partie du film, on ne saurait jeter la pierre. Côté visuel, c'est pourtant le nirvana ! Personne ne filme comme Terrence Malick, ne procède par travellings avant rapides avec une telle élégance. Du grand art et des images sublimes. Ce qui est navrant c'est le fond de l'affaire. The Tree of Life, c'est 2011, Odyssée de l'espèce (humaine). Rien que cela. Kubrick/Malick, même combat, ou presque. Ambitieux programme. Passons sur les images de la création du monde (façon documentaire à la National Geographic) et oublions l'épisode incongru du dinosaure qui écrase à moitié la tête d'un de ses congénères. Et hop, sans transition, nous nous retrouvons au coeur du film, dans cette petite famille américaine, son père autoritaire, sa mère aimante et ses trois fils, dont l'un deux mourra plus tard. Il y a de très beaux moments, c'est vrai, mais surtout des voix off horripilantes qui feraient passer l'homélie du curé le dimanche pour un slam de Grand corps malade. Bon, c'est un peu exagéré, mais on se demande parfois si Malick ne se serait pas fait pas embrigadé par une secte quelconque, tellement le côté mystique peut aussi passer pour de la niaiserie. Et Sean Penn dans tout cela ? Pas un mot prononcé, une sorte de présence absente. La séquence finale, c'est le pompon, une vision du paradis et du pardon qui frise le ridicule. Bref, il n'y a pas loin
entre le génie et l'imposture fumeuse. The Tree of Life est un beau film pompier dont la prétention n'est pas le moindre des défauts. Ce qui n'empêche pas Malick d'être l'un des plus grands cinéastes d'aujourdhui. C'est un paradoxe, mais c'est ainsi.

 


19/05/2011
23 Poster un commentaire

La frustration et l'oppression (L'oeil invisible)

Le cinéma argentin est loin d'en avoir fini avec la sale dictature militaire des années 70/80 et on ne va pas l'en blâmer. Il en résulte des films singuliers, métaphoriques et intrigants, comme L'oeil invisible, troisième long-métrage de Diego Lerman. Plutôt que de montrer les rues de Buenos Aires, alors que le régime commence à perdre de sa superbe, le réalisateur installe sa caméra en deux lieux : l'appartement où vivent Maria Teresa, 23 ans, sa mère et sa grand-mère ; le lycée, surtout, où officie la jeune femme, surveillante chargée de faire respecter la discipline et de dénoncer tout comportement potentiellement séditieux. Au-delà de son symbolisme politique, qui a ses limites, le film se révèle passionnant dans l'étude de caractère de cette jeune femme revêche, toujours vierge, tenaillée par le désir et accablée par la frustration. Le jeu subtil de Julieta Zylberberg, constamment à l'écran, est pour beaucoup dans la réussite, partielle, de L'oeil invisible. La mise en scène de Lerman est remarquable, jouant sur l'architecture du lycée, créant un climat oppressant, dans l'attente que la cocotte minute explose, quelles qu'en soient les conséquences. On pourra trouver le film austère, l'ambigüité de son personnage principal participe pourtant de la fascination qu'il exerce, ses aspects sordides -beaucoup de scènes ont lieu dans les toilettes- et à la limite du malsain, compris. S'il ne s'impose pas comme le très grand film qu'il aurait pu être, L'oeil invisible, de par sa rigueur, son exigence artistique et son approche psychologique trouble (troublante) de son héroïne, mérite un détour.


 


19/05/2011
2 Poster un commentaire

L'effet Cendrillon inversé (Minuit à Paris)

Le meilleur Woody Allen depuis Match Point, haut la main. Minuit à Paris est pétillant, une petite "bulle d'euphorie", avec son côté éphémère, voire dérisoire, et le plaisir de l'instantanéité. Et l'effet Cendrillon inversé, quand la citrouille devient carrosse après les douze coups de minuit, est particulièrement jouissif. De la magie pure, avec ce voyage dans le temps, le Paris des années 20, bourré de clins d'oeil à base de Name Dropping, d'une superficialité voulue et assumée. Au fond, Minuit à Paris n'est pas très sérieux, c'est une fantaisie, un fantasme débridé, il ne faut pas lui demander ce qu'il n'a pas l'intention de donner. Au passage, Allen s'en prend avec bonheur à la pédanterie de certains "experts", qui savent tout sur tout. Lui, il fait le choix de la légèreté et de la carte postale détournée, avec une belle humilité. A noter également que, désormais, le cinéaste fait maintenant plus confiance au comique de situation qu'aux saillies verbales qui ont fait sa réputation. On rit moins, c'est un fait, mais on sourit, en toute connivence. Sur le plan technique, Minuit à Paris n'est pas non plus l'oeuvre d'un manchot ou d'un réalisateur vieillissant. Le montage est l'un des points forts du film. Aucune scène n'est étirée, au contraire, il joue sur la frustration de ne pas aller plus sur la profondeur. Toujours cette idée de superficialité volontairement frustrante. La réalisation n'a l'air de rien, mais certaines scènes sont assez remarquablement filmées, celle des extérieurs de Versailles, en particulier, d'une virtuosité tranquille dans son découpage, alternance de plans moyens et de gros plans, à revoir en DVD, pour s'apercevoir de la complexité de la mise en place. Paris valait bien une fête allenienne !


18/05/2011
18 Poster un commentaire